Le médecin devrait pouvoir vous aider à mettre fin à vos jours si vous êtes atteint d'une maladie incurable et que votre douleur ne peut être apaisée, conclut la commission parlementaire qui depuis deux ans se penche sur le droit à «Mourir dans la dignité».

Unanimes, les députés des trois partis proposent au gouvernement de modifier ses lois pour prévoir «une option pour les cas de souffrances exceptionnelles». On ne parle pas de suicide assisté, insistent les co-présidentes, la libérale Maryse Gaudreault et Me Véronique Hivon, du PQ. Le «suicide assisté» sous-entend l'intervention d'un proche de la personne en fin de vie. Or la commission insiste pour que les gestes précipitant le décès d'un patient soient effectués par son médecin.

Le rapport déposé aujourd'hui à l'Assemblée nationale prévoit parmi ses 24 recommandations que «les lois soient pertinentes, soient modifiées afin de reconnaître l'aide médicale à mourir comme un soin approprié en fin de vie». Ce geste doit cependant être très étroitement balisé, comme le rapportait La Presse, hier. Un rapport sur le progrès du dossier devrait être déposé dans un an, et un projet de loi être adopté avant juin 2013, souhaite la commission.

Le patient devra être majeur et reconnu apte à consentir à ce geste. Il doit exprimer ce désir lui-même «à la suite d'une prise de décision libre et éclairée une demande d'aide médicale à mourir». Aussi sa maladie devra être «grave et incurable». Avec de telles conditions, Robert Latimer, qui avait voulu abréger les souffrances de sa fille, serait tout de même traduit en justice car il n'était pas son médecin, sa fille n'était pas majeure et au surplus elle ne pouvait exprimer de consentement.

La condition du malade qui réclame qu'on mette fin à son agonie, devra montrer «une déchéance avancée de ses capacités sans perspective d'amélioration», précise le rapport. Finalement, pour que le geste du médecin soit autorisé, la personne doit «éprouver des souffrances physiques ou psychologiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu'elle juge tolérable». En conférence de presse, Mmes Gaudreault et Hivon ont admis qu'il y avait une part d'arbitraire, mais les médecins traitants sont à même d'apprécier précisément la situation de leur patient, selon elles.

Le Procureur général devrait «émettre des directives... au Directeur des poursuites criminelles et pénales afin qu'un médecin ayant pratiqué une aide médicale à mourir selon les critères prévus à la loi ne puisse faire l'objet de poursuites criminelles».  Le Québec a compétence en matière de santé. Au surplus il est responsable de l'application du Code criminel sur son territoire, d'observer Me Hivon. En 1976, le Procureur avait émis semblable directive pour indiquer qu'il n'entamerait plus de poursuites pour des cas d'avortement, rappelle-t-elle.

Membre de la commission, Amir Khadir, lui-même médecin spécialiste, a soutenu que les médecins seront soulagés de voir, noir sur blanc, de telles balises. «Parfois, le meilleur traitement est d'amener le patient à mourir», observe-t-il.

Dans la pratique des cas «d'aide médicale à mourir», existent déjà au Québec reconnaît Mme Hivon et aucune n'avait débouché sur des accusations. La formule proposée est très proche de ce qui est appliqué en Belgique, ou cette «aide médicale à mourir» est très rigoureusement balisée. Aux Pays-Bas, on pratique aussi l'euthanasie, mais la pratique établie depuis plus de 20 ans est moins explicitement encadrée, observe Mme Hivon. Les membres de la commission se sont rendus dans ces deux pays.

Pour la commission, le Collège des médecins devrait modifier son code déontologique pour prévoir ces situations nouvelles, et permettre éventuellement de diriger le patient vers un autre médecin si le geste est contraire à ses convictions.

La commission propose aussi une amélioration des soins palliatifs, qui devraient être administrés à toute personne dont la condition médicale l'exige. Le Collège des médecins devrait produire un guide déontologique sur ce genre de soins. Le ministère de la Santé devrait privilégier l'administration à domicile des soins palliatifs.

On demande aussi qu'un comité d'experts, avec le Collège des médecins, se penche sur la possibilité qu'une personne atteinte de démence causée par une maladie dégénérative du cerveau puisse, à l'avance, faire une demande d'aide médicale à mourir. Cette question délicate a fait l'objet de longues discussions, ont reconnu les députés.