La viande halal est en voie de devenir la règle plutôt que l'exception au Québec, selon l'opposition péquiste, qui qualifie le phénomène de «dérive» inquiétante.

Or, l'abattage rituel religieux, fait selon une méthode controversée, devrait demeurer un procédé exceptionnel, a plaidé vendredi le député de Kamouraska-Témiscouata, André Simard, revenant à la charge dans ce dossier.

La semaine précédente, il avait dit que l'abattage halal contrevenait aux «valeurs québécoises», s'attirant de nombreuses critiques. Cette fois, il s'est bien abstenu d'élargir le débat.

«C'est pas un débat religieux. C'est un débat de normes», a-t-il dit, cherchant à corriger le tir, en point de presse, à la suite d'une interpellation en Chambre du ministre de l'Agriculture, Pierre Corbeil.

Selon la norme de l'abattage rituel halal, prônée par les gens de confession musulmane, l'animal doit être béni par un imam avant d'être mis à mort, la gorge tranchée, et toujours conscient, ce qui peut occasionner des souffrances inutiles à la bête, selon M. Simard, un vétérinaire de formation qui dit éprouver un malaise devant cette situation.

Il veut donc que l'esprit de la loi québécoise soit respecté, à savoir que, règle générale, l'animal doit être inconscient au moment de l'abattage (par électrocution ou anesthésie), pour lui éviter de souffrir.

M. Simard soutient que la méthode halal est une dérogation à la loi et, de ce fait, doit demeurer exceptionnelle.

Chiffres à l'appui, il a déploré l'importance que prend le phénomène au Québec.

La moitié (18 sur 36) des abattoirs québécois sous inspection fédérale pratiquent l'abattage religieux rituel, a noté le porte-parole péquiste en matière d'agriculture, en citant des chiffres obtenus du ministère de l'Agriculture (MAPAQ). Quant aux abattoirs sous inspection québécoise, c'est la norme pour 25% (soit six sur 23) d'entre eux.

À partir de données fournies par le MAPAQ, il calcule qu'environ 30% de la viande halal sortant des abattoirs québécois n'est pas destinée à la clientèle musulmane.

«J'en ai contre (le fait) qu'un pourcentage de la viande des animaux abattus sans mise en état d'inconscience s'en va sur un marché qui n'est pas destiné à cela. Ces animaux-là n'auraient pas dû être abattus de cette façon-là», a-t-il commenté, déplorant que des consommateurs mangent de la viande halal «à leur insu».

Pourtant, les gens veulent savoir ce qu'ils mangent, a dit le député.

En vertu de l'abattage rituel halal, l'animal est «saigné conscient, sans insensibilisation», ce qui «peut être très douloureux», surtout s'il y a, comme cela semble être le cas, des «variations» de temps de conscience après avoir eu la gorge tranchée, a commenté le député.

Il estime que le gouvernement se défile sur cette question, refusant de dresser un portrait global de la situation et d'informer la population. On devrait aussi savoir, selon lui, dans quelle mesure la méthode halal a une incidence sur le prix de la viande payée par le consommateur.

«Le ministre de l'Agriculture semble minimiser, semble banaliser la question», à ses yeux.

De son côté, le ministre Pierre Corbeil a dit que le PQ avait tendance à exagérer l'importance de ce phénomène. Il nie que la viande halal soit en train d'envahir les cuisines québécoises.

«La question que tout est halal, ce n'est pas vrai», a-t-il dit, lors d'un bref point de presse, au terme de l'interpellation, en ramenant plutôt la proportion halal à 0,6% de la production totale des abattoirs sous inspection québécoise. Et pour les abattoirs sous compétence fédérale, c'est «un infime pourcentage», selon lui.

À la suite du tollé récent survenu autour de l'abattage halal, le ministre Corbeil a écrit cette semaine à son homologue fédéral, Gerry Ritz, pour lui demander «d'examiner la possibilité de réglementer l'identification des viandes provenant d'abattages rituels».