Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, juge «inacceptable» qu'une octogénaire ait dû engager à ses frais une préposée pour être soignée en français à l'hôpital Royal Victoria. Après une conférence de presse du PQ sur le sujet jeudi, il a envoyé une note aux agences de santé pour leur rappeler leurs obligations. Mais il n'avait rien fait il y a moins d'un mois quand la famille l'avait avisé du problème.

«Au début mars, j'ai écrit au bureau de la ministre des Aînés, Marguerite Blais. On m'a répondu qu'il fallait s'adresser au ministère de la Santé. Et au bureau du ministre de la Santé, on nous a dit qu'il fallait parler à l'hôpital», dit le fils de la patiente, Roger Harvey.

Sa mère a été admise à l'hôpital Royal Victoria après avoir fait un AVC à la fin janvier. L'établissement n'était pas le premier choix de la famille. «Il n'y avait pas de place aux hôpitaux Notre-Dame, Maisonneuve et Saint-Luc», explique M. Harvey.

L'hôpital Royal Victoria a le mandat de servir la communauté anglophone, mais cela ne le dégage pas de sa responsabilité d'offrir aussi des soins en français. Malgré tout, la mère de M. Harvey, qui ne parle pas anglais, n'a pu recevoir des soins en français. «En plus, elle souffre d'Alzheimer, raconte-t-il. Elle mélange parfois les mots. Si on la transfère du lit à sa chaise, il faut répéter des consignes simples pour qu'elle comprenne. Quand on lui parle en anglais en plus, ça devient invivable. Ça peut lui causer beaucoup de stress. Imaginez quand le préposé vient lui changer sa couche la nuit et qu'elle ne comprend pas ce qu'il veut faire.»

La famille a demandé sans succès que la patiente soit transférée dans un autre hôpital. Elle s'est résignée à engager une préposée qui leur coûte 20 $ l'heure, qui travaille la semaine de 11 h 15 à 14 h 15, puis de 16 h à 19 h. La famille prend le relais la fin de semaine.

Après avoir reçu la réponse du ministre Bolduc, M. Harvey s'est finalement adressé au commissaire aux plaintes de l'hôpital Royal Victoria au début mars. «Je n'ai pas demandé le remboursement (du salaire de l'employée). Ce que je veux, c'est qu'on offre à ma mère des services dans sa langue, le français.»

À la suite de la plainte, il affirme avoir noté une «légère amélioration». «Mais même quand je parle en français, on me répond quand même parfois encore en anglais», regrette-t-il.

Il préfère ne pas révéler le nom de sa mère, par crainte de représailles. La plainte est restée anonyme, mais on a posé près du lit de sa mère une affichette qui dit qu'il faut lui parler français.

M. Harvey dit avoir rencontré la semaine dernière le commissaire de l'établissement pour parler notamment de «situations conflictuelles» avec le personnel depuis qu'il a porté plainte. «On m'a dit que c'était peut-être une mauvaise interprétation de ma part, ou qu'on demandait des services en français de la mauvaise façon».

Sa mère attend d'être transférée dans un CHSLD, ce qui devrait se faire dans environ huit mois. Il lui reste 18 mois à vivre, pensent ses médecins.

Cas d'exception, disent le CUSM et le ministre

Le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) a réagi par courriel. Il rappelle qu'il est une «institution bilingue». «Les membres du personnel du CUSM se font toujours un devoir de s'adresser au patient dans la langue officielle de son choix. Nous considérons ceci comme étant le fondement de bons soins offerts aux patients. Le CUSM reçoit très rarement des plaintes de nature linguistique. Près de la moitié de nos employés sont francophones, et bon nombre d'entre eux sont trilingues. Nous avons aussi des interprètes qui peuvent apporter leur aide dans les communications, et ce, dans des dizaines d'autres langues. Nous rendons également accessible de la formation en français et en anglais aux nouveaux employés lorsque cela est nécessaire», insiste-t-elle.

Le ministre Bolduc se montre lui aussi rassurant: «Des millions de personnes consultent et voient des professionnels (de la santé chaque année). À ce moment-là, il peut arriver des cas exceptionnels, et il faut les traiter comme des cas exceptionnels. Mais même ceux-là, on ne veut pas qu'ils se produisent, puis les consignes vont être très claires au niveau des établissements.»

Le PQ dénonce

«Le respect de langue commune, le français, est devenu facultatif», dénonce le porte-parole du PQ en matière de Langue française, Yves-François Blanchet. Il croit que la «culture de complaisance» du gouvernement libéral est la cause de cette dérive.

Cela peut aussi devenir «dangereux», ajoute sa collègue Agnès Maltais. Un patient doit comprendre le diagnostic et la médication, ce qui est particulièrement difficile à faire dans une langue qu'on ne maîtrise pas, explique-t-elle.