La protectrice du citoyen, Raymonde Saint-Germain, est «vivement préoccupée» par l'impact du manque de services de soutien à domicile sur la sécurité et la qualité de vie de personnes âgées et handicapées.

> Sur le web: le rapport du Protecteur du citoyen (PDF)

Son rapport d'enquête rendu public aujourd'hui démontre que, contrairement à ce qu'affirme le gouvernement Charest, les compressions budgétaires grâce auxquelles il espère éliminer son déficit affectent bel et bien des services à la population, en l'occurrence le soutien à domicile. Elle déplore le «manque d'accessibilité» de ces services d'assistance personnelle (alimentation, soins d'hygiène) et d'aide domestique.

Selon elle, le gouvernement Charest a adopté en 2003 une politique de soutien à domicile sans dégager les sommes nécessaires pour la mettre en application.

Elle conclut que les agences et les centres de santé et de services sociaux «ne sont pas en mesure de respecter l'esprit de cette politique».

«Faute de moyens, les instances locales ont dû développer des pratiques qui privent les usagers des services nécessaires pour répondre à leurs besoins», affirme-t-elle. Elles ont ainsi reporté «totalement ou partiellement le fardeau sur les aidants naturels», qui souffrent souvent d'épuisement. Autre conséquence: à défaut d'avoir accès à du soutien à domicile, des personnes sont obligées de rester durant de longues périodes - parfois plus d'un an -, dans des unités de soins de courte durée ou de réadaptation, ce qui surcharge le système de santé. D'autres «se retrouvent prises dans le cercle vicieux des allers-retours à l'urgence» parce que les services à domicile ne leur sont offerts que pendant une courte période, trois mois par exemple.

Pour Mme Saint-Germain, les principaux problèmes sont «l'insuffisance des heures de services allouées en fonction des besoins et les délais à recevoir des services». Cette attente peut durer plus d'un an, voire quelques années.

Au cours des dernières années, les agences régionales et les centres de santé et de services sociaux ont adopté des règles qui dérogent à la politique de 2003. Ils ont instauré des plafonds d'heures de services «souvent en deçà des besoins évalués». Ils ont créé de «nouveaux critères» pour exclure certaines personnes - celles qui ont un proche aidant, par exemple. «Nous notons également une rigidité dans l'application des critères et une nette tendance au nivellement vers le bas des heures de services allouées», ajoute la protectrice.

Les établissements de santé se disent incapables de respecter la politique en raison de «la nécessité de répondre à l'objectif financier du Ministère dans l'atteinte du déficit zéro». «Nous constatons que cet objectif financier compromet le maintien à domicile d'une clientèle vulnérable», lit-on dans le rapport.

Lorsqu'un usager meurt ou doit être transféré dans une autre région ou dans un centre d'hébergement, «certains CSSS utilisent à d'autres fins que le service de soutien à domicile les budgets récupérés», contrairement à ce qui se faisait avant. «Depuis quelques années, des CSSS versent ces sommes dans leur fonds général afin d'atteindre l'objectif du déficit zéro, tel qu'exigé par le ministère pour 2010-2011. Cette façon de faire va toutefois à l'encontre des directives ministérielles selon lesquelles l'atteinte du déficit zéro ne doit pas avoir d'incidence directe sur les services aux usagers», souligne Mme Saint-Germain.

Selon elle, «nous assistons actuellement à une répartition des ressources et à un discours justificatif qui donnent l'illusion d'une accessibilité équitable pour tous, mais qui, en réalité, répondent bien peu aux besoins adéquatement évalués des personnes visées». Le 3 mars 2011, Québec a annoncé 45 millions de dollars de plus pour le soutien à domicile tout en exigeant au réseau de la santé des compressions de 300 millions «en plus de l'atteinte de l'équilibre budgétaire». Mme Saint-Germain «s'interroge sur l'utilisation réelle de ces 45 millions dans ce contexte».

Elle a ouvert cette enquête à la suite d'une augmentation du nombre de plaintes sur les services de soutien à domicile (89 en 2009-10, 142 au cours des neuf premiers mois de 2011-12). Son analyse a porté surtout sur les régions de Montréal, de la Montérégie, des Laurentides et de la Gaspésie.

Au cabinet de la ministre déléguée aux services sociaux, Dominique Vien, on assure qu'un plan d'action sera adopté pour répondre aux recommandations de Mme Saint-Germain. Une nouvelle politique de soutien à domicile est attendue ce printemps. On souligne que les investissements ont augmenté dans les dernières années.

Pour le Parti québécois, le «cri d'alarme» de Mme Saint-Germain est «préoccupant». Le gouvernement libéral «n'en fait pas assez» selon lui.