Bien qu'elle fasse moins les manchettes, la crise alimentaire mondiale est loin de s'être résorbée. Les derniers bilans font état de plus de gens qui ont faim et les spécialistes annoncent maintenant que la situation durera encore plusieurs mois, au moins. Et que faisons-nous? Nous éteignons des feux.

«L'aide d'urgence n'est pas une solution, estime Kanayo F. Nwanze, vice-président du Fonds international de développement agricole (FIDA). Elle ne fait qu'accroître la dépendance des pays qui la reçoivent. Il faut presser les gouvernements d'investir dans les solutions à long terme.»

 

Tant que les petits producteurs des pays en crise n'auront pas regagné leurs terres et n'auront pas accès à leurs marchés locaux, le problème sera loin d'être réglé, a-t-il expliqué hier soir à Montréal, à l'ouverture de la première conférence sur la sécurité alimentaire mondiale de l'Université McGill.

«C'est un problème structurel qui commande une solution structurelle», a-t-il dit. Le représentant du FIDA estime que les agriculteurs du monde ont le potentiel de produire plus, mais qu'ils n'ont pas la possibilité d'être compétitifs avec les produits agricoles des grandes puissances agricoles. Ce qui nous mène à des absurdités planétaires comme de voir des entreprises chinoises s'installer dans des pays africains afin de produire les céréales qui seront utilisées pour nourrir le bétail qui sera ensuite mangé par les Chinois. Et dans ces pays africains, les gens ne mangent pas à leur faim, a expliqué M. Nwanze.

Avenues intéressantes

Selon lui, les gouvernements étrangers qui sont des donateurs devraient exiger des pays émergents qu'ils soutiennent leurs propres agriculteurs puisqu'ils sont au coeur de la solution. Une autre avenue intéressante, a-t-il ajouté, est aussi le développement de partenariats public-privé pour stimuler les petits projets agricoles.

Kanayo F. Nwanze ne prêche pas dans le désert: le Programme alimentaire mondial de l'ONU a annoncé hier un nouveau partenariat avec les fondations Gates et Buffett précisément pour aider des centaines de milliers de petits fermiers à accéder à des marchés lucratifs. Le projet pilote de cinq ans sera lancé dans 21 pays, surtout d'Afrique et d'Amérique centrale. Le principe est très simple: le programme onusien achètera les denrées de son aide alimentaire sur place, chez les petits producteurs locaux.

 

Jeunesse au Soleil: baisse de 30% des dons

À Montréal, les banques alimentaires vivent une dure année. Jeunesse au Soleil est en train de boucler son année financière avec un déficit de dons plus grand que prévu. «En général, les banques alimentaires ont perdu 30% de leurs dons», explique Nicolas Carpentier, de l'organisme montréalais qui a présenté son bilan hier soir dans le cadre de la conférence sur la sécurité alimentaire de l'Université McGill. L'année dernière, Jeunesse au Soleil a reçu 1,2 million en dons. Cette année, 800 000$. En même temps, la demande augmente. «Nous aidons 2000 familles par mois, 225 de plus que l'année dernière». Les gens sur le terrain notent aussi une augmentation des demandes d'aide d'urgence: pour obtenir des denrées, un individu doit habituellement téléphoner et prendre rendez-vous pour le lendemain. «Nous voyons plus de ce que nous appelons des walk in, explique le représentant de Jeunesse au Soleil. Ce sont des gens qui se présentent sur place et qui ont besoin d'une aide immédiate.» L'organisme craint le pire pour l'automne et le début de l'hiver qui ne sont généralement pas des périodes fastes en dons.