Dans sa première sortie publique depuis son départ du ministère de la Santé, Philippe Couillard a livré, devant une assemblée d'assureurs, un véritable plaidoyer pour le privé en santé. Pour se réinventer, le réseau de la santé doit, selon lui, autoriser l'ouverture de plus de cliniques privées associées, permettre aux médecins québécois de pratiquer dans le privé et autoriser les Québécois à contracter des assurances privées pour des actes couverts par le régime public.

Après cinq ans à la tête du ministère de la Santé, le diagnostic de Philippe Couillard sur la performance du réseau est sévère. «Pour un pays du G8, c'est gênant d'avoir un niveau d'accès aux soins comme on a chez nous.» Libre de toute ligne de parti, l'ancien ministre a dressé, dans une causerie de près d'une heure devant une centaine de membres de l'Institut canadien de la retraite et des avantages sociaux, son ordonnance de traitement pour le réseau de la santé. Une ordonnance qui se résume en quelques mots : plus de privé. «Il n'y a rien de scandaleux à ce qu'on fasse des profits dans le secteur de la santé», a déclaré M. Couillard. L'ancien ministre estime qu'on diabolise à tort ceux qui désirent que le secteur privé occupe une plus grande place dans les soins médicaux. «C'est un système qu'il est très difficile de remettre en question. On est tout de suite étiqueté antisocial. Mais ceux qui militent pour l'orthodoxie poussent le régime vers sa perte aussi sûrement que ceux qui poussent pour la privatisation débridée.»

Pour M. Couillard, il est impératif d'introduire «l'aiguillon de la compétition» dans le monopole public en santé. D'ailleurs, l'une des réalisations dont il est le plus fier en cinq ans passés à la tête du ministère de la Santé, c'est l'entente conclue avec Rockland MD, une clinique privée associée, qui réalise des interventions sur les patients, interventions qui sont payées par l'État. L'ouverture de cette clinique a eu «un impact majeur», croit l'ex-ministre. «Avec les syndicats, il y a eu un avant-Rockland et un après-Rockland. Il devrait y avoir d'autres cliniques semblables dans les zones urbaines.»

Mais si on veut qu'elle ait un impact, l'ouverture de ces nouvelles cliniques associées devrait être couplée à deux changements majeurs dans le réseau. Il faudra d'abord autoriser les Québécois à contracter une assurance pour des actes couverts, à l'heure actuelle, par la Régie de l'assurance maladie, et aussi, permettre aux médecins de pratiquer à la fois dans le secteur public et le privé. À l'heure actuelle, cela est interdit.

Mais afin de préserver le niveau d'accès au public, les médecins devront aussi faire des compromis, croit Philippe Couillard. «Il faut redéfinir le pacte de 1970 qui donnait une totale autonomie professionnelle aux médecins, dit-il. Il faut que les médecins prennent un engagement formel envers le système de santé. La population ne veut pas que le docteur X se sauve à 10 h le matin dans sa clinique privée alors qu'il y a du monde qui attend à l'hôpital.»

Ce compromis historique, survenu lors de la naissance du régime public d'assurance santé, était le suivant : les médecins, réticents au nouveau régime, acceptaient d'embarquer dans le train. En retour, le ministre de l'époque, Claude Castonguay, les avait autorisés à conserver une autonomie professionnelle complète. Encore aujourd'hui, les médecins ne sont pas des employés de l'hôpital où ils travaillent. Ils ont un statut de travailleurs autonomes.

Or, cela n'a pas de sens, tranche M. Couillard. «Comment pourriez-vous gérer une entreprise si tous les employés sont une PME individuelle ?»