Les chefs des 14 villages du Nunavik se sont entendus, en collaboration avec les autorités de la santé du Grand Nord, pour lutter contre les gras trans dans les épiceries inuites. Il s'agit là de tout un tour de force puisque le terme «gras trans» n'existe même pas dans la langue inuktitut.

Dans une résolution signée le 21 janvier dernier, à Kuujjuaq, que La Presse a obtenue, les différentes directions de la santé du territoire s'engagent à s'attabler dès maintenant à la lourde tâche. Au cours des six premiers mois, leur mission consistera tout d'abord à cibler les produits remplaçables. Et ils sont nombreux.Des centaines.

Au Nunavik, des études du regroupement Santé inuite ont déjà démontré que sept autochtones sur 10 mangent un aliment de mauvaise qualité au moins trois fois par jour. Les taux d'obésité sont en hausse constante. De même que les risques d'accidents cardiovasculaires. Et la maladie du diabète est en voie de faire son apparition.

La chercheuse postdoctorale de l'Université Laval Émilie Counil, qui se concentre depuis plus de deux ans sur les habitudes alimentaires des Inuits, explique que les autorités de la santé devront commencer par sensibiliser les deux seuls fournisseurs en denrées du Nord, soit la Fédération des coopératives alimentaires du Nouveau-Québec et Northern Store. Afin d'y parvenir, 600 produits ont déjà été décortiqués en collaboration avec une nutritionniste du Comité santé et nutrition du Nunavik.

«L'objectif premier n'est pas de se concentrer sur l'éducation alimentaire des Inuits, explique la Dre Counil. Parce que nous ne sommes pas certains de pouvoir atteindre la cible. Nous croyons que ce serait de toute façon injuste pour les Inuits et qu'il s'agirait d'un élément anxiogène de plus dans leur vie déjà difficile. L'objectif est donc d'arriver à diminuer l'offre de mauvais aliments.»

Pour des raisons souvent économiques, ou par habitude, le Nunavik a l'habitude de faire livrer par bateau ou par avion des quantités astronomiques de sucreries, boissons sucrées, pâtisseries commerciales et collations au détriment de produits plus sains. Et plus on monte vers le Nord, ajoute la chercheuse, plus les produits de rechange sont rares, voire absents des tablettes d'épicerie. Les produits trans se conservent par ailleurs très bien et longtemps.

Sur une note plus positive, la chercheuse fait remarquer que le Nunavik n'éliminera probablement pas complètement les gras trans, ce serait utopique, dit-elle, mais le territoire demeure précurseur au Canada en s'engageant dans cette lutte. Contrairement au Danemark, où les quantités de mauvais gras sont sévèrement contrôlées, ici au pays, il n'existe en effet qu'une loi pour rendre l'étiquetage obligatoire.