Au Québec, la médecine de corridor est là pour rester. Le gouvernement renonce désormais à prendre tout engagement visant à garantir aux Québécois qu'ils ne passeront jamais plus de 48 heures sur une civière dans une salle d'urgence.

Il ne se fixe plus de cible de réduction, ni d'échéancier à respecter.

Dans une entrevue à La Presse Canadienne, le ministre de la Santé, Yves Bolduc, dit privilégier plutôt une approche basée sur la concertation avec les hôpitaux, sans obligation de résultats.

«On ne prend aucun engagement. Et c'est peut-être la solution. Tous ceux qui ont pris des engagements n'ont pas été capables de les tenir», admet le ministre.

À compter de jeudi, M. Bolduc entreprendra donc, dans cet esprit, une tournée des 11 salles d'urgence affichant la pire performance au chapitre des délais d'attente sur civière dans les hôpitaux québécois.

Sa tournée débutera à Montréal, où les hôpitaux Santa Cabrini, Notre-Dame (CHUM) et Maisonneuve-Rosemont n'ont trop souvent à offrir qu'une civière dans un corridor à des malades obligés d'attendre pendant des jours qu'un lit se libère.

En 2003, les libéraux de Jean Charest s'étaient engagés à éliminer les listes d'attente en santé.

En 2009, le ministre Bolduc juge plus réaliste de viser à «améliorer graduellement» la situation dans les hôpitaux éprouvant des difficultés particulières.

En fait, le nombre de malades obligés de passer plus de 48 heures sur une civière augmente d'année en année. On en comptait 41 601, en 2004-2005, contre 44 441, en 2008-2009, révèlent les plus récentes données du ministère de la Santé.

Le Plan stratégique 2005-2010 du ministère de la Santé prévoyait complètement éliminer ce problème, à compter de l'an prochain.

Le ministre Bolduc s'affaire maintenant à baisser les attentes, incluant celles relatives à l'impact de sa tournée.

«On ne veut pas promettre de résultats», insiste le ministre, qui se décrit comme un homme de «grande patience», surtout intéressé à «trouver des solutions durables» pour au moins réduire la moyenne d'heures passées sur civières.

Il reconnaît pourtant que la médecine de corridor n'est «pas une médecine qui est normale, (ce n'est) pas une médecine qui est acceptable».

Le vieillissement de la population, qui fait en sorte que de nombreux lits d'hôpitaux sont accaparés par des personnes âgées en attente d'une place en centre d'hébergement, ne contribue pas à faciliter les choses.

Malgré l'apparente impuissance du gouvernement à corriger la situation, le ministre demeure serein. Sa philosophie: «Ne jamais se frustrer, ne jamais se fâcher et ne jamais chercher de coupable».

Outre ceux déjà mentionnés, les hôpitaux suivants recevront aussi la visite du ministre dans les prochaines semaines: le Centre hospitalier Saint-Eustache, le Centre hospitalier régional de Lanaudière (Saint-Charles-Borromée), l'Hôpital Pierre-Le Gardeur (Terrebonne), l'Hôpital de Hull, l'Hôpital de Gatineau, le Centre hospitalier régional de Trois-Rivières, l'Hôpital Saint-François d'Assise (CHUQ, à Québec) et l'Hôpital de Granby.

Parmi ceux ayant éprouvé le plus de difficulté au cours des quatre dernières années, notons le cas du Centre hospitalier régional de Lanaudière, où le nombre de patients restés sur civière pendant plus de 48 heures est passé de 504 à 1728, ou celui de Trois-Rivières, qui a fait un bond de 768 à 1934.

En comparaison, à l'Hôpital d'Alma, où le ministre Bolduc a fait ses preuves pour désengorger l'urgence avant de faire le saut en politique, on n'a compté l'an dernier que quatre cas seulement de patients sur civière pendant plus de deux jours.