Résultat de la crise financière: les projets de partenariat public-privé (PPP) vacillent un peu partout dans le monde, les banques hésitant à consentir des prêts aux entreprises impliquées, sauf à des taux d'intérêt élevés, indique un rapport récent de la firme PriceWaterhouseCoopers.

De grandes sociétés étrangères qui participent aux deux consortiums présélectionnés pour construire le Centre hospitalier de l'Université de Montréal en PPP connaissent d'ailleurs des difficultés d'accès au crédit, ce qui pourrait retarder le lancement des appels de propositions, a constaté La Presse.

«Les marchés du crédit sont presque à sec», explique Richard Abadie, responsable des infrastructures chez PriceWaterhouseCoopers, une firme bien connue pour son expertise en PPP, dans un rapport intitulé Financement des infrastructures - survivre au resserrement du crédit.

«Les prévisions à court terme demeurent sombres. Peu de projets (en PPP) seront conclus. Plusieurs d'entre eux ont déjà été mis sur la glace, ajoute le rapport, publié en décembre. Le crédit bancaire est simplement insuffisant, et inefficace, comme source de financement à long terme (...) Il est naïf de s'attendre à ce que les marchés reviennent aux bas taux de financement obtenus pendant le premier semestre de 2007.»

Dans le mode conventionnel, les gouvernements empruntent l'argent pour construire des immeubles ou des infrastructures. Ce modèle domine toujours dans la plupart des pays. Le modèle des PPP a émergé il y a quelques années: une compagnie ou un consortium contracte les emprunts, finance la construction du bâtiment, puis le loue au gouvernement.

Les partisans des PPP, comme la ministre des Finances Monique Jérôme-Forget, soutiennent que le gouvernement transfère les risques financiers à l'entreprise privé en agissant de la sorte. S'il y a un dépassement de coûts dans la construction, c'est l'entreprise qui écope et pas le gouvernement, affirment-ils.

Mais avec la crise, les banques hésitent à prêter aux entreprises privées. En revanche, elles n'hésitent pas à prêter aux gouvernements. Les gouvernements obtiennent des taux d'intérêt beaucoup plus bas que les entreprises. Dans ce contexte, la construction revient beaucoup plus chère en PPP qu'en mode conventionnel.

Des consortiums se sont engagés dans les PPP en faisant des emprunts à court terme, et en croyant pouvoir se refinancer à des taux d'intérêt relativement bas lorsqu'ils commenceraient à toucher les loyers. Mais aujourd'hui, ils éprouvent beaucoup de difficultés à renouveler leurs emprunts sans augmenter les paiements d'intérêt. «Ils pourraient faire face à des paiements de dette plus élevés que prévus, ou même être incapables de se refinancer», prévient le rapport de PriceWaterhouseCoopers.

Le mois dernier, La Presse a révélé que la société australienne Babcock and Brown, membre du consortium Accès Santé CHUM, a vu sa situation se détériorer à un tel point que ses actions ont été suspendues en Bourse. Cette entreprise est aussi membre d'un consortium pour la construction en PPP de la salle de concert de l'Orchestre symphonique de Montréal.

Ce n'est pas tout. La société espagnole Acciona, qui s'occupe elle aussi de l'ingénierie financière dans le même consortium pour le CHUM, a un taux d'endettement plutôt inquiétant. Cette firme a également emporté l'appel de propositions pour le prolongement de l'autoroute 30 en mode PPP.

«Ce groupe est aujourd'hui aux abois, note le journal financier français Les Échos dans son numéro d'hier. Sous la pression de ses banques, qui s'inquiètent de son endettement, Acciona va sans doute être contraint de céder sa participation (dans un groupe énergétique).» Début février, Acciona s'est elle-même plainte que «le marché (est) complexe, avec un accès très limité au crédit».

La société anglaise Innisfree, qui s'occupe de l'ingénierie financière dans le deuxième consortium présélectionné pour le CHUM, vient d'appeler le gouvernement britannique à l'aide pour sauver les PPP au Royaume-Uni, considéré comme le pays-modèle en cette matière par la ministre Jérôme-Forget.

Dimanche dernier, Tim Pearson, directeur d'Innisfree et porte-parole du Forum sur les PPP en Grande-Bretagne, a indiqué que les sociétés privées avaient besoin de l'aide de l'État pour assurer le financement qui aurait dû être fourni par des prêts commerciaux. Selon lui, l'État britannique devrait consentir une aide de 4 milliards de livres pour sauver les projets en PPP.

Le nombre de contrats en PPP signés en Grande-Bretagne l'année dernière est le plus bas depuis 11 ans. Un contrat pour une route de 11 milles a été signé en janvier 2009, mais la moitié du financement est assurée par une banque du secteur public. John Tizard, directeur du Centre pour les partenariats en services publics de l'Université de Birmingham, affirme que les banques n'ont plus d'argent pour les hôpitaux britanniques en PPP. Il suggère de revenir au mode de construction conventionnel qui, selon lui, se révèle moins coûteux et plus rapide à réaliser.

Ici même, au Canada, le vérificateur général de l'Ontario vient de souligner que le premier hôpital construit en PPP dans la province a coûté 50 millions de plus que si le gouvernement l'avait réalisé en mode conventionnel, sans partenaire privé.