Le nombre de médecins qui délaissent le réseau public pour travailler exclusivement dans le privé a bondi de près de 60% depuis deux ans. Bien que marginal, le phénomène suscite de l'inquiétude.

Signe que le privé prend de plus en plus de place, une clinique médicale privée de Jonquière tente de recruter de nouveaux médecins jusqu'à Montréal pour travailler dans ses bureaux.

 

La clinique Opti-Soins fait paraître une offre d'emploi dans les journaux de la province, notamment dans les quotidiens montréalais, pour recruter de nouveaux médecins de famille. La publicité se veut alléchante. On offre aux médecins une plus grande liberté de pratique, sans tracas administratifs, avec une rémunération supérieure à celle du réseau public, tout en ayant une charge de travail moins lourde.

Bref, une meilleure qualité de vie, résume la propriétaire de la clinique, Guylaine Vézina. «Ce n'est pas de la frime, ça existe vraiment.» Elle croit d'ailleurs que les médecins seront de plus en plus nombreux à opter pour le privé au cours des prochaines années. «Ça ne fait que commencer. L'attrait du privé va s'accentuer encore plus en raison de la qualité de vie que les médecins recherchent», affirme Mme Vézina.

La propriétaire de la clinique refuse de préciser combien de médecins elle souhaite ainsi recruter. Mais elle indique que le téléphone a sonné à plusieurs reprises depuis que l'annonce a commencé à paraître, au cours des derniers jours.

Inquiétude de la FMOQ

Cette façon de procéder, misant sur une meilleure de qualité de vie, est tout à fait dans les cordes de ceux qui quittent le réseau public. Et la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) s'inquiète de ce phénomène grandissant. «Du côté de la médecine familiale, il y a un problème. Il faut faire quelque chose et ça presse», déclare le Dr Louis Godin, président de la FMOQ.

En janvier 2007, 113 médecins ont choisi de faire le saut au privé, dont 61 omnipraticiens. Deux ans plus tard, en janvier 2009, ils étaient 179 médecins non participants à la RAMQ, dont 105 omnipraticiens. C'est un bond de près de 60%. Le phénomène demeure toutefois marginal puisque le réseau public compte plus de 16 000 médecins.

Tout de même, la FMOQ surveille les départs avec attention. «Depuis trois ou quatre ans, le nombre de nouveaux médecins non participants chaque année est nettement en augmentation. Avant, on en avait un ou deux (omnipraticiens) par année, mais maintenant, c'est à coup de 18, 20 ou 22 par année qu'ils quittent le réseau», s'inquiète le Dr Godin.

En cherchant à connaître les motifs de ce départ, la FMOQ a constaté que la quête d'une meilleure qualité de vie influence grandement la décision. Les médecins qui se tournent vers le privé disent chercher un meilleur environnement de travail, de meilleurs revenus et veulent subir moins de pression.

«Pour nous, il y a là un signe qui souligne la difficulté que les médecins de famille ont dans leur quotidien à travailler dans les bureaux et cabinets privés à l'intérieur du régime public», indique le Dr Godin.