L'achalandage augmente constamment dans les hôpitaux du Québec. L'attente également. Les malades ont passé en moyenne 17h06 aux urgences l'an dernier, ce qui est encore loin de l'objectif ministériel de 12 heures.

La patience est de mise, révèle le quatrième palmarès des urgences de La Presse. La situation s'est dégradée ou est restée la même dans plus des trois quarts des hôpitaux de la province. Seulement un hôpital sur cinq s'est suffisamment amélioré pour obtenir une meilleure note cette année dans notre palmarès.

La situation ne s'améliorera pas à court terme, reconnaît le ministre de la Santé, Yves Bolduc. «En ce qui concerne les urgences, nous avons fait beaucoup au cours des dernières années, mais il reste encore beaucoup à faire», a-t-il déclaré à La Presse dans le cadre d'une entrevue pour réagir au palmarès des urgences.

Les gens qui se présentent aux urgences sont de plus en plus âgés et malades. Le nombre de patients sur civières augmente, tout comme le nombre de patients qui arrivent par ambulance. Par conséquent, la durée moyenne de séjour (le temps passé aux urgences) augmente aussi.

À Montréal, l'hôpital Notre-Dame, au CHUM, se retrouve encore une fois en queue de peloton, avec une note de E+.

Il est rejoint par l'hôpital Saint-François-d'Assise, à Québec, qui a connu de grosses difficultés cette année. Le départ récent de plusieurs médecins des urgences n'a pas amélioré la situation, au point où l'hôpital pourrait même faire appel à des médecins dépanneurs pour éviter les ruptures de service cet été.

L'Hôpital d'Arthabaska, considéré par le ministère de la Santé comme un hôpital d'envergure importante, réussit pour sa part à tirer son épingle du jeu. Il obtient une note de A-. Même chose pour l'Institut de cardiologie et de pneumologie de Québec (anciennement appelé Hôpital Laval).

Du côté des hôpitaux de petite taille, ceux de la Gaspésie se distinguent encore une fois. L'Hôpital de Chandler et l'Hôpital de Gaspé obtiennent même la note parfaite de A.

Les 11 salles des urgences en difficulté, ciblées par le ministre de la Santé au moment de sa tournée des urgences au printemps, se retrouvent toutes parmi les dernières de notre classement.

De façon générale, le palmarès révèle que les régions de Montréal, de l'Outaouais, de la Montérégie, des Laurentides et de Lanaudière connaissent des difficultés importantes.

Cette année, les régions de la Capitale-Nationale et de la Mauricie, en raison de la performance du centre hospitalier régional de Trois-Rivières, connaissent aussi des ratés.

En revanche, les hôpitaux de l'Estrie, du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent se portent mieux de façon générale.

Les difficultés connues dans les urgences et les problèmes d'engorgement touchent l'ensemble de la province, note la présidente de l'Association des médecins d'urgence du Québec, la Dre Geneviève Bécotte.

«Ce qui est nouveau, c'est qu'il y a de plus en plus de régions touchées. Ce n'est plus seulement Montréal ou Laval, c'est maintenant dans les régions rurales et ça touche de nouveaux milieux urbains comme Trois-Rivières et Québec. La situation s'aggrave, mais se généralise surtout», analyse la Dre Bécotte.

Pas d'améliorations à court terme

Et il ne faut pas espérer de changements importants à court terme. La durée moyenne de séjour augmente d'année en année. Il s'agit du temps passé aux urgences, du moment où le patient est vu par le médecin et le personnel, jusqu'à son hospitalisation aux étages ou sa sortie de l'hôpital.

Cette attente a augmenté de plus de 30 minutes depuis l'an dernier. Elle atteint désormais 17h06. C'est bien loin de l'objectif de 12 heures fixé par le ministère.

Le pourcentage de séjour de plus de 48 heures aux urgences, donc la proportion de malades qui passent plus de deux jours aux urgences avant d'obtenir leur congé ou d'être hospitalisés aux étages, augmente également constamment. Une situation qui risque de durer pour les prochaines années.

«Malheureusement, ça n'ira pas en s'améliorant à court terme, croit la Dre Bécotte. Les périodes estivales sont toujours très difficiles, avec un roulement de personnel important pendant ces périodes. À court terme, ce serait illusoire de penser que ça va se régler, car il n'existe pas de solutions faciles. C'est plutôt un ensemble de facteurs qui ont une influence.»

S.O.S. médecins de famille

Les solutions à l'engorgement des urgences? Les Québécois doivent avoir un meilleur accès à un médecin de famille afin de pouvoir se tourner vers lui avant d'aboutir, en désespoir de cause, aux urgences, explique la présidente de l'AMUQ.

Une opinion que partage la directrice générale de l'Association québécoise des établissements de santé et de services sociaux (AQESSS), Lise Denis.

Il faut aussi développer plus de services lorsque le patient sort de l'hôpital, que ce soit en matière d'hébergement ou de maintien à domicile. «Tant qu'on n'aura pas organisé ces services correctement et mis les investissements qu'il faut, on aura de la difficulté à tendre vers une durée moyenne de séjour de 12 heures», croit Mme Denis.

Dans le contexte, elle se réjouit tout de même de constater que la moitié des hôpitaux se sont maintenus. Pour la directrice générale de l'AQESSS, la situation aurait pu être pire, car la clientèle âgée et le nombre de malades qui requièrent une hospitalisation aux étages ont beaucoup augmenté au cours de la dernière année. «Malgré cette augmentation, les hôpitaux ont réussi à contenir, jusqu'à un certain point, une explosion qui aurait pu se produire au niveau de la durée moyenne de séjour.»