La fermeture prochaine d'un réacteur nucléaire aux Pays-Bas provoquera un «casse-tête inouï» dans notre système de santé, préviennent des médecins spécialistes. L'arrêt des activités à la centrale de Petten relancera de plus belle la crise des isotopes, avertissent-ils, et jusqu'à 3000 patients québécois pourraient en subir les conséquences chaque semaine.

Depuis la fin du mois de mai, le Canada et le monde entier doivent composer avec une pénurie de cette substance radioactive, qui sert notamment au diagnostic et au traitement du cancer. La centrale de Chalk River (en Ontario), qui produisait environ 80% des isotopes nécessaires aux Canadiens et répondait à 35% des besoins mondiaux, a fermé en raison d'une fuite d'eau lourde.

 

Depuis, la centrale néerlandaise de Petten a augmenté sa production de 50% pour combler une partie de la demande. Mais voilà, ce réacteur est également âgé. Du 18 juillet au 18 août, il devra fermer pour maintenance pendant un mois, indique le Dr François Lamoureux, président de l'Association des spécialistes en médecine nucléaire du Québec.

Les hôpitaux ont été prévenus: ils perdront les trois quarts de leurs livraisons habituelles d'isotopes.

«On a un problème majeur», convient le Dr Lamoureux.

Le technicium, la substance dérivée des isotopes médicaux, sert à tester ou à traiter 9500 patients au Québec chaque semaine.

Alors qu'ils craignent que la pénurie s'aggrave, les spécialistes et le ministère de la Santé ont adopté une série de mesures pour éviter une crise. Les horaires des consultations ont été modifiés pour optimiser l'utilisation des isotopes, dont la durée de vie est très courte. Les patients atteints de maladies cardiaques sont testés à l'aide d'une technologie plus ancienne, qui ne requiert pas de technicium. Et la province parvient à mieux économiser la substance que ses voisins en utilisant l'équipement de tomographie par émission de positrons, ou TEP (PET scan en anglais).

Mais beaucoup de procédures médicales nécessitent l'utilisation d'isotopes. Et la fermeture de la centrale de Petten forcera les spécialistes québécois à reporter environ 50% d'entre elles après le 18 juillet, prévient le Dr Lamoureux. C'est donc dire qu'environ 3000 patients par semaine verront leurs rendez-vous retardés.

«On peut parfois reporter des examens de quelques jours, indique le Dr Lamoureux. Mais quand on va se retrouver dans une situation où ça va durer trois semaines, on aura des problèmes majeurs.»

»Des risques»

La Coalition Priorité Cancer, un organisme qui fait la promotion de la lutte contre cette maladie, qualifie la situation de «déplorable».

«On ne peut pas dire à la population: «Ne vous inquiétez pas», affirme sa porte-parole, Nathalie Rodrigue. Il y a des risques pour la population.»

Elle estime que ce sont avant tout les patients qui subiront les contrecoups de cette nouvelle escalade dans la crise des isotopes. Comme on utilise la substance radioactive pour mesurer l'efficacité des traitements de radiothérapie et de chimiothérapie, dit-elle, des centaines de malades pourraient être plongés dans l'incertitude.

Un spécialiste qui conseille le gouvernement fédéral dans ce dossier a indiqué au Globe and Mail qu'Ottawa ne sait pas encore où le pays s'approvisionnera en isotopes une fois la centrale de Petten fermée.

Besoins couverts à 85%

Pour l'heure, le Québec couvre actuellement 85% des besoins liés aux isotopes médicaux, indique Marie-Ève Bédard, attachée de presse du ministre de la Santé, Yves Bolduc. Mais la donne pourrait changer bientôt.

«C'est sûr qu'on n'est pas à l'abri d'une pénurie, puisque ça frappe de la même façon tout le monde qui s'approvisionne dans ces réacteurs nucléaires.»

La fermeture de la centrale de Petten pendant un mois pourrait être le prélude à une situation beaucoup plus grave. Le réacteur sera mis hors service pour des réparations en profondeur dès le début de l'an prochain. Il cessera alors de produire des isotopes médicaux pendant six mois.