Une Montréalaise est maintenue en vie artificiellement à l'hôpital du Sacré-Coeur après avoir contracté le virus de la grippe A (H1N1) alors qu'elle était enceinte. Son fils, qui est né par césarienne, a survécu. Mais la mère, elle, ne s'en sortira probablement pas.

Fatiha Idrissi Kaitouni, 23 ans, s'est rendue à l'hôpital Sainte-Justine le vendredi 7 juin sur recommandation d'Info-Santé. Elle faisait de la fièvre depuis deux jours, ce qui l'inquiétait, puisqu'elle devait accoucher de son premier enfant deux semaines plus tard.

 

Le lendemain de son admission, Mme Idrissi Kaitouni a commencé à souffrir de difficultés respiratoires. Le dimanche, les médecins lui ont diagnostiqué une pneumonie. Elle a été immédiatement transférée à l'hôpital Sacré-Coeur.

Le soir même, les médecins lui ont fait une césarienne de toute urgence, a expliqué Ghita Benchekroun, une amie qui l'a accompagnée à l'hôpital. «Ils craignaient des complications, a dit Mme Benchekroun. Elle avait de la difficulté à respirer et manquait d'oxygène.»

Le bébé, Yassine, a lui aussi manqué d'oxygène à la naissance, explique-t-elle. Il a été transféré à l'Hôpital de Montréal pour enfants, où on lui a administré des antiviraux de façon préventive. Yassine est aujourd'hui en bonne santé.

Sa mère a été moins chanceuse. Après son accouchement, elle a souffert d'un syndrome de détresse respiratoire, selon ses proches. Les médecins ont provoqué le coma et l'ont branchée sur un respirateur artificiel.

Dans les semaines qui ont suivi, elle a subi diverses complications. Et samedi dernier, les médecins ont annoncé à son mari, Mohamed Hassani Idrissi, qu'elle ne se réveillerait jamais.

«Ils ont dit que ses poumons sont irrécupérables et qu'une greffe est impossible», a soufflé M. Hassani Idrissi, rencontré hier dans son logement du quartier Côte-des-Neiges, à Montréal.

Erreur de traitement?

L'hôpital Sacré-Coeur n'a pas voulu confirmer la version de Mohamed Hassani Idrissi, hier. Des sources ont toutefois confirmé à La Presse que Fatiha Idrissi Kaitouni avait bel et bien contracté la grippe A (H1N1).

Mohamed Hassani Idrissi estime que sa femme n'a pas été traitée assez rapidement. Il a d'ailleurs porté plainte à l'hôpital Sainte-Justine «pour éviter que d'autres femmes ne soient victimes d'injustice», a-t-il dit.

S'il ignore le jour exact où sa femme a reçu ses premiers traitements, M. Hassani Idrissi soutient que les médecins de Sainte-Justine ne lui ont pas donné d'antiviraux dans les 24 premières heures.

«Le lendemain de son admission, un médecin a même signé une feuille pour la laisser quitter l'hôpital», a ajouté son amie, Ghita Benchekroun. L'hôpital Sainte-Justine n'était pas en mesure de confirmer l'information, hier soir.

L'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal conseille aux médecins de traiter les femmes enceintes, qui sont plus susceptibles de souffrir de complications, dès l'apparition de symptômes grippaux, de manière préventive.

«Le traitement doit débuter le plus rapidement possible, idéalement dans les 48 heures après l'apparition des symptômes», peut-on lire dans une note interne envoyée à la mi-juillet. Les médecins ont reçu les mêmes directives au printemps.

Plus de risques

Fatiha Idrissi Kaitouni n'est pas la seule femme enceinte à avoir subi des complications liées au virus de la grippe A (H1N1). Entre la mi-avril et la mi-juillet, 13 femmes enceintes infectées ont été hospitalisées à Montréal, ce qui représente 6% des hospitalisations.

«Pour ces femmes, le délai entre le début des symptômes et le début du traitement était supérieur à 48 heures, soit le délai optimal pour une efficacité maximale du traitement», peut-on lire dans la note envoyée aux médecins.

Les femmes enceintes atteintes du virus A (H1N1) ont quatre fois plus de risques que la moyenne d'être hospitalisées, selon une étude américaine publiée en juillet. Elles présentent également un taux de mortalité plus élevé.