Les hôpitaux font face à une telle pénurie de pharmaciens que plusieurs font appel à des suppléants pour maintenir les services.

«La situation se dégrade de plus en plus. Cet été, certains hôpitaux ont presque dû faire de la magie pour ne pas fermer des services», affirme le président de l'Association des pharmaciens des établissements du Québec (APEQ), Charles Fortier. Un hôpital ne peut fonctionner sans pharmacien. Mais faute d'en avoir un nombre suffisant, plusieurs doivent réduire les services. Impossible de retirer les pharmaciens de la pharmacie centrale - centre névralgique de distribution des

médicaments - ou de certains services comme l'oncologie.

Ce sont d'autres unités qui écopent, notamment les services de gériatrie. Pour les patients, les conséquences sont importantes.

De plus en plus d'établissements embauchent donc des pharmaciens suppléants par l'entremise d'agences de placement. Or, alors qu'un pharmacien en établissement est payé entre 33 et 41,25 $ l'heure, l'hôpital verse de 100 à 120 $ l'heure à l'agence de placement, indique l'APEQ. S'ajoutent les frais liés au transport et à l'hébergement ainsi que le tarif du pharmacien de garde.

Cette situation «donne le goût aux autres d'aller en faire, de la suppléance. Le drame, c'est que, il y a 15 ans, on n'avait pas de problème. Aujourd'hui, plus ça va, plus la pénurie s'aggrave. Je ne peux pas dire qu'il y a des solutions qui pointent à l'horizon», explique M. Fortier.

Pour l'APEQ, la solution passe par une hausse de la rémunération. L'écart salarial moyen entre les pharmaciens des hôpitaux et ceux des grandes bannières est de 30%. Et dans certaines pharmacies privées, le salaire peut atteindre 60 $ de l'heure, estime l'Association qui s'apprête à revendiquer l'équité aux prochaines négociations prévues en 2010.

Le pharmacien qui travaille à l'hôpital a généralement fait de plus longues études. «C'est un peu illogique de dire: "Je vais faire deux années d'université de plus pour avoir une maîtrise, je vais travailler dans un centre hospitalier où les gens sont plus malades, reçoivent une thérapie plus complexe, des médicaments plus puissants, ce qui me demande des connaissances plus grandes, un stress plus grand, pour gagner 30% de moins." Ça ne marche pas.», lance M. Fortier.

De plus, depuis quelques années, les grandes bannières viennent recruter les étudiants à l'université dès la deuxième année. Elles leur offrent de payer leurs études et leur promettent du travail lorsqu'ils seront diplômés.

C'est un phénomène relativement nouveau, explique la secrétaire de la faculté de pharmacie de l'Université de Montréal, Claudine Laurier. «Il y a quelques années, ça n'existait pas. Est-ce que ça s'est accentué depuis deux ou trois ans? C'est difficile à dire.»

Cette année, l'Université de Montréal a toutefois réussi à recruter plus de candidats à la maîtrise que ce qu'elle espérait. Par contre, l'Université Laval, où se trouve l'autre faculté de pharmacie, n'a pas eu cette chance. Des postes en maîtrise n'ont pas été pourvus cette année.

Pour attirer les étudiants à la maîtrise, Québec a offert 70 bourses de 30 000 $, dont 61 ont trouvé preneur cette année.

Récemment, l'échelle salariale a été revue. En collaboration avec l'Ordre des pharmaciens, le ministère de la Santé et des Services sociaux revoit également l'organisation des services pharmaceutiques dans les établissements.

«Nous sommes conscients qu'il existe encore une pénurie mais nous espérons que ces mesures amélioreront la situation», indique la porte-parole du Ministère, Dominique Breton.

L'APEQ est plus sceptique et estime que les résultats sont mitigés. D'ailleurs, tous ne font pas la même évaluation de la pénurie. Les pharmaciens des établissements estiment qu'il manque 200 professionnels tandis que le Ministère évalue qu'il en manque 160.

Il faut bonifier la rémunération, mais aussi valoriser la profession, croit pour sa part la présidente de l'Ordre des pharmaciens du Québec, Diane Lamarre.

«Il faut une meilleure reconnaissance. On a investi socialement pour former des pharmaciens qui ont un rôle à jouer dans les unités, et pas seulement un rôle de distribution.»

La contribution du pharmacien dans une équipe de soins assure une meilleure protection au patient, ajoute Mme Lamarre.