Après la controverse autour de la précision des tests de cancer du sein, Québec imposera des contrôles de qualité aux laboratoires qui font ces analyses. Le ministère de la Santé doit produire d'ici au mois de mars un «plan global» pour que les 58 laboratoires de pathologie du Québec resserrent leurs standards de qualité.

Bien que 39 patientes aient vu leur traitement contre le cancer du sein modifié après la réévaluation des tests ordonnée en juin dernier, le ministre de la Santé, Yves Bolduc, s'est dit mercredi pleinement satisfait de la fiabilité des laboratoires de pathologie au Québec.

«La médecine est un art, ce n'est pas mathématique. On sait maintenant que nos tests sont très bons, mais pas parfaits», a soutenu le ministre, mercredi, en conférence de presse. Après avoir fait refaire par un laboratoire de Seattle les tests de près de 3000 patientes, on constate, selon le ministre Bolduc, que «nos tests sont parmi les meilleurs au monde».

87 cas

Parmi les 2856 patientes dont les tests réalisés entre avril 2008 et juin 2009 ont été refaits, les résultats ont été différents dans 87 cas. De ce groupe, 37 patientes reçoivent désormais un traitement d'hormonothérapie et deux, de l'Herceptin. L'opération a coûté 800 000$.

Cinq des patientes qui avaient eu des tests «faussement négatifs» sont mortes, mais on ne peut établir - ni exclure - qu'il y ait un lien entre ces décès et les tests, admet le Dr André Robidoux, chirurgien oncologue de l'Université de Montréal. Il faudra réévaluer chaque cas avec les médecins traitants, mais il n'est pas acquis que le traitement aurait été différent même si les tests avaient été plus précis, insiste-t-il. Pour le spécialiste, la décision de recourir ou non à un traitement antihormonal ou à l'Herceptin n'est pas automatique, «comme, devant une radiographie, deux médecins peuvent avoir une interprétation différente», explique le Dr Robidoux. Le laboratoire américain a appliqué ses standards habituels. Une dérogation de plus de 1% entre les résultats était considérée comme un faux diagnostic.

Pour le Dr Bolduc, le taux de décès liés à cette maladie au Québec correspond «au taux attendu dans la littérature. On ne peut établir de lien de causalité (entre les tests erronés et les cinq décès) bien qu'on ne puisse pas l'exclure», a déclaré le ministre. Il ajoute qu'il était important de refaire les tests pour d'abord rassurer toutes les patientes.

Manque de transparence

Critique de l'opposition en matière de Santé, le député péquiste Bernard Drainville n'est pas satisfait des réponses du ministre Bolduc. Il s'interroge surtout sur le manque de transparence du ministère de la Santé, qui ne voulait pas donner les résultats des nouveaux tests aux familles des femmes décédées. «Cela manque d'humanité» déplore-t-il.

Le Dr Bolduc a eu à défendre la directive de son Ministère qui invitait les médecins à ne pas communiquer les résultats aux familles. Cette directive datait d'août dernier, un moment où on s'affairait à l'opération de réévaluation. Toutes les familles seront avisées, y compris celles des femmes décédées, a assuré le ministre Bolduc.

«Pourquoi a-t-il fallu un reportage dans les médias pour que ce geste soit posé? La loi prévoit que l'on doit informer les familles quand il y a erreur médicale. La directive violait la loi», a soutenu M. Drainville.

Le Dr Bolduc ne veut pas se prononcer sur les risques de poursuites. Il a rappelé qu'un recours collectif est déjà intenté. Mais il constate avec satisfaction que les tests réalisés au Québec sont d'une qualité irréprochable, avantageusement comparable à ce qui se fait ailleurs.

Il faut souligner qu'il n'y a aucune erreur quant au «diagnostic» de cancer. Ces nouveaux tests servent à déterminer, ou plutôt à aider le médecin à décider si un traitement antihormonal est indiqué pour améliorer les chances de survie. Selon le Dr Robidoux, ces traitements réduisent de 50% les risques de récidive locale et de 15% les taux de décès à long terme, mais il s'agit de statistiques. Chaque cas doit être évalué de façon distincte.

Les taux de résultats erronés sont, après la vérification du laboratoire de Seattle, bien plus faibles que ne le prévoyaient les experts québécois en juin dernier, au moment où l'on a décidé de reprendre les tests. On s'attendait alors à 5% de variabilité. Or, les taux de «faux négatifs» oscillent entre 0,5% et 6,2% selon le type de traitement, constate le ministère de la Santé.

On a vu un taux d'erreur de 21% dans une étude récente portant sur 39 pays développés, a rappelé le Dr Robidoux.