Le ministre Bolduc a beau se dire rassuré, le nombre de tests erronés serait beaucoup plus élevé si on avait appliqué les normes internationales les plus sévères, estiment des experts.

Le débat est pointu, mais d'une importance cruciale. Le Ministère a-t-il utilisé le seuil de 10% de cellules positives pour confirmer les diagnostics? Ou a-t-il plutôt adopté le seuil de 1%, recommandé par l'Union internationale contre le cancer - et beaucoup plus facile à atteindre? On aurait alors obtenu un plus grand nombre de tests positifs et vraisemblablement ordonné la révision d'un plus grand nombre de diagnostics.

Des intervenants interrogés par La Presse, tout comme la Fédération des médecins spécialistes du Québec, qui a publié un communiqué à sujet, sont perplexes.

«Il y a une confusion quant aux standards utilisés, estime Pierre Audet-Lapointe, porte-parole de la Coalition Priorité Cancer au Québec. Si on utilise des normes faibles, c'est évident qu'on a de meilleures statistiques.»

Même son de cloche du côté de l'Ordre professionnel des technologistes médicaux du Québec, dont la présidente, Nathalie Rodrigue, dénonce les «signaux contradictoires» du Ministère.

«On nous a dit, au cabinet du ministre Bolduc, qu'on avait suivi la norme de 1%, la plus sévère. Mais en conférence de presse (hier matin), le Dr André Robidoux dit le contraire, qu'on a pris la norme du 10%. On ne sait plus où on en est.»

Cette confusion, estiment les deux porte-parole, démontre encore une fois la nécessité de mettre sur pied un organisme central pour la lutte contre le cancer au Québec. «Là, on dirait un énorme carrousel dont les chevaux de bois sont tous différents les uns des autres et que personne ne coordonne, dit M. Audet-Lapointe. Normalement, on ne devrait pas se poser des questions quant à la nature des standards.»

«C'est toujours comme ça dans le cas du cancer, ajoute Mme Rodrigue. Ça prend une coordination centrale forte. Mais rien ne se fait, au Québec.»

Prudente, la Fédération des médecins spécialistes du Québec a annoncé que son président, Gaétan Barrette, ne rencontrerait les médias que ce matin. Par communiqué, elle a déploré que le ministère de la Santé ait utilisé comme norme «un seuil de détection qui est tellement élevé qu'on se demande même pourquoi il a été choisi». L'organisme s'est de plus inquiété du sort des femmes dont les résultats variaient entre 1% et 10% de cellules positives, elles qui auraient eu «une possibilité de bénéficier d'un ajustement thérapeutique au même titre que les 87 patientes aujourd'hui détectées.»

Le Collège des médecins, quant à lui, n'a pas voulu prendre position dans ce débat. «On se met au-dessus de ça, a expliqué son président-directeur général, Yves Lamontagne. C'est le résultat qui compte. La pathologie au Québec va bien, les résultats sont encourageants.»

La médecine, précise-t-il, est une «science molle» où les erreurs, bien que malheureuses, existeront toujours. «Trois pour cent d'erreur, c'est très bien. Les résultats en Amérique du Nord font état de taux de 15 à 20%.»