Le projet de réforme de santé du président américain Barack Obama, bien que loin d'être adopté, pourrait mener à un exode d'infirmières et infirmiers canadiens si les gouvernements provinciaux ne restent pas sur leurs gardes, avisent les responsables de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada (AIIC).

Selon l'association, le Canada aura besoin d'environ 66 000 infirmières et infirmiers autorisés d'ici 2022. De plus, fait remarquer l'AIIC, le pays en comptait quelque 217 000 en 2007 alors qu'il en nécessitait 11 000 autres.

«Nous sommes toujours inquiets face à la possibilité de nouvelles migrations», a admis Rachel Bard, directrice générale de l'AIIC.

«Ce qui se passe aux Etats-Unis représente une menace potentielle, a ajouté Mme Bard, car nous savons déjà qu'ils auront besoin de 750 000 infirmières et infirmiers autorisés (d'ici 2020).»

Les leaders démocrates à la Chambre des représentants et au Sénat travaillent vigoureusement afin de faire adopter l'ambitieux projet de réforme de M. Obama, auquel s'oppose farouchement la grande majorité des membres du Parti républicain.

Si jamais ce projet de réforme franchissait avec succès l'étape ultime, les Etats-Unis pourraient lancer un vaste programme visant à attirer des infirmières et infirmiers de l'étranger, craint Mme Bard.

De plus, la fin de la récession pourrait stimuler l'embauche dans ce secteur spécifique aux Etats-Unis.

La récession mondiale a eu pour effet de réduire le nombre d'hospitalisations ainsi que la demande en infirmières et infirmiers. Toutefois, note Linda Aiken, enseignante en Sciences infirmières à l'Université de la Pennsylvanie, une relance de l'économie aux Etats-Unis mènera probablement vers une hausse de la demande.

«Le département du Travail des Etats-Unis estime que la création d'emplois dans ce secteur spécifique, durant la prochaine décennie, sera plus grande que dans tout autre au pays», a relaté Mme Aiken.

Les intervenants du secteur de la santé, qui se battent depuis 20 ans pour garder les infirmières et infirmiers au Canada, se disent troublés par pareilles tendances.

Au début des années «90, une forme de «maraudage» a mené à l'exode de nombreux professionnels canadiens de la santé, à la recherche de meilleures conditions de travail aux Etats-Unis.

Doris Grinspun, directrice exécutive de l'Association des infirmières et infirmiers autorisés de l'Ontario, fait remarquer que de tels transferts se sont réalisés très rapidement dans la province. «Nos employés ont fait leurs valises et ont quitté», a-t-elle imagé.

A l'époque, quelque 70 pour cent des infirmières et infirmiers aux Etats-Unis détenaient des postes à temps plein. Pendant ce temps, en Ontario et dans d'autres provinces canadiennes, on offrait surtout des postes à temps partiel et bon nombre d'infirmières et infirmiers devaient travailler dans deux ou trois établissements pour boucler leur budget.

«Nous en avions perdu (des infirmières et infirmiers) à la tonne», s'est souvenue Mme Grinspun.

«Le spectre est omniprésent, ajoute Mme Grinspun, qui compare les agences de recrutement à des vautours. Elles sont prêtes à prendre avantage des lacunes car, il ne faut pas l'oublier, il s'agit d'une «business.»