Au rythme où vont les réparations, les laboratoires de Chalk River fêteront le premier anniversaire de la fermeture de leur réacteur d'isotopes médicaux (NRU)au mois de mai. Pour la troisième fois depuis qu'il a été fermé en raison d'une fuite d'eau lourde, en mai 2009, Énergie atomique du Canada (EACL) a annoncé un autre report dans la remise en service du réacteur nucléaire; jusqu'au mois d'avril.

Avec seulement 36% des travaux de réparation complétés à ce jour, le président de l'Association canadienne de la médecine nucléaire, Jean-Luc Urbain, prédit aux malades des jours sombres pour obtenir leur diagnostic et traitement. Et d'avantage dans les autres provinces, où on accuse de 15 à 20 ans de retard sur le Québec en médecine nucléaire, estime-t-il.

«Il est minuit et cinq, affirme M. Urbain. Et avec le réacteur de la Hollande dont la fermeture est prévu dans deux semaine pour l'entretien, et qui compte pour 30% de notre approvisionnement, il faudra utiliser les moyens du bord. On a déposé nos recommandations il y a deux ans au fédéral pour pallier à la crise. Je ne sais plus trop quoi vous dire à part que nous craignons que le réacteur de Chalk River ne soit jamais remis en service.»

Au Québec, la crise des isotopes est moins marquée parce qu'on estime qu'environ 30% des patients atteints d'un cancer ont été référés vers une autre forme de traitement. Il s'agit de la tomographie par émission de positron (TEP), un appareil diagnostic présent dans 15 régions du Québec, principalement utilisé pour le cancer du sein, des poumons, des ovaires. Et bientôt pour les études cardiaques.

«Nous, au Québec, on avait prévu la pénurie des isotopes, notamment en raison de l'âge du réacteur de Chalk River, explique Dr François Lamoureux, président des médecins spécialistes en médecine nucléaire du Québec. Nous nous étions donc assis avec le gouvernement, en table de concertation. Et on a déployé le TEP partout au Québec.»

Isotopes européens

Dr Lamoureux met par ailleurs un bémol à la crise en mentionnant que d'ici peu, devant les besoins des pays d'Amérique du Nord, la Belgique augmentera sa production d'isotopes médicaux du tiers. Présentement, seulement le tiers de sa production est dédiée à la médecine, un tiers à la recherche nucléaire et le dernier tiers à la recherche industrielle. Il y a aussi un réacteur nucléaire en Afrique du Sud, sans compter les États-Unis, la Chine et la Russie qui planche sur des projets de construction.

Une autre technologie développée par le Centre d'imagerie moléculaire de Sherbrooke (CIMS), permet par ailleurs de croire qu'on pourra un jour produire des isotopes d'une autre façon. Brigitte Guérin, qui dirige des travaux de recherche, explique que le CIMS est en mesure de produire des isotopes médicaux grâce à un cyclotron.

Afin d'en augmenter la production, le centre a demandé une subvention de 6 millions au gouvernement pour en acheter un autre, et construire la voûte blindée essentielle à la production. Idéalement, le CIMS aimerait être doté de 8 à 10 cyclothons, une technologie qui produit moins de déchets nucléaires.