Les partis d'opposition provinciaux estiment que le décès d'un homme en attente d'une opération cardiaque alors que son état de santé dégénérait dangereusement est «inacceptable» et vont même jusqu'à remettent en cause le leadership du ministre de la Santé qui n'a pas encore fourni d'explications sur cette tragique affaire.

«Le système l'a laissé tombé avec des conséquences dramatiques», a déploré, ce matin, le critique péquiste en matière de santé, Bernard Drainville. À son avis, le ministre Yves Bolduc doit personnellement et rapidement s'engager à entreprendre des mesures concrètes pour éviter qu'un tel cas ne se reproduise.

«Je n'accepterai pas qu'il baisse les bras. Si je ne suis pas capable de ressentir qu'il a la volonté de les mettre en place pour que la situation change, je vais carrément demander qu'il parte... Le niveau d'indignation et d'incompréhension justifie une réaction qui est à la hauteur. Il faut que les gens sentent qu'il y a un capitaine à bord.»

En attente d'une opération depuis le mois de septembre, Jean-Guy Pitre est décédé vendredi matin avant d'avoir pu être opéré. L'homme de 65 avait été placé sur une liste d'attente après que le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) ait diagnostiqué que la valve de son aorte était bloquée. Depuis Noël, sa famille s'inquiétait de le voir dépérir. Le policier à la retraite qui jouait au golf et qui marchait 10 km par jour ne parvenait plus à s'exprimer sans s'essouffler.

Ce matin, La Presse révélait que les délais d'attente en chirurgie cardiaque sont en train de devenirs inquiétants au Québec. À Montréal, au moins 25% des patients sont opérés hors délai. Ce ralentissement serait notamment attribuable à un manque de lits et d'infirmières aux soins intensifs ainsi qu'à un débordement dans les urgences.

«C'est absolument révoltant», a déclaré le chef de l'Action démocratique du Québec, Gérard Deltell. «La semaine dernière, on apprenait que des gens mouraient aux urgences. Ce matin, c'est quelqu'un en attente d'une chirurgie cardiaque... Ça fait mal au coeur, nous ne vivions pas dans le tiers-monde. Le gouvernement Charest a fait de la santé son cheval de bataille lors des élections en 2003. Sept ans plus tard, la situation s'est détériorée. Je constate qu'il faut un leadership plus fort que celui de M. Bolduc. M. Charest doit prendre les commandes.»

Selon Drainville et Deltell, l'histoire de M. Pitre risque de miner la confiance des Québécois à l'égard de leur système de santé.

Le ministère refuse de commenter l'affaire. Le ministre Bolduc ne s'est pas rendu disponible pour répondre aux questions de La Presse aujourd'hui. Son attachée de presse, Karine Rivard, a toutefois expliqué que le gouvernement était en train de mettre des mesures en place pour inciter davantage d'infirmières à travailler aux soins intensifs.

«Depuis cet été, les infirmières qui acceptent d'y travaillent reçoivent entre 5000 et 7000$ de bonifications sur leur salaire», a-t-elle expliqué en ajoutant que l'État planchait également à revoir l'organisation du travail au sein de cette unité.

Elle n'a pas voulu parler spécifiquement du cas de M. Pitre. «Dans n'importe quelle situation personnelle du malade, le but est toujours d'offrir un service le plus rapidement possible en priorisant les cas les plus urgents», a-t-elle précisé.

«Si l'on vous dit qu'il y a un problème et que les mesures actuelles ne sont pas suffisantes, il faut les bonifier», a rétorqué Bernard Drainville. «Qu'est-ce que le gouvernement attend pour créer les conditions nécessaires pour attirer davantage d'infirmières aux soins intensifs? Les médecins sont débordés, alors pourquoi ne pas donner plus de responsabilités aux infirmières et même aux pharmaciens qui le demandent?»