Depuis une semaine, de nombreux cas révélant les lacunes du système de santé québécois ont été mis au jour. Patient mort en attente d'une opération au coeur, décès aux urgences, lits fermés aux soins intensifs... Pour plusieurs intervenants du milieu, un constat s'impose : le réseau est en crise.

«Quand je regarde le système de santé, je suis obligé de dire que ça ne va pas bien. Il n'y a pas grand-chose de positif. La situation se détériore», dit le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), le Dr Louis Godin.

Les omnipraticiens ont tenté de soulager le réseau en ouvrant des groupes de médecine familiale et des cliniques-réseau, selon le Dr Godin. «Mais on manque toujours de médecins de famille, les urgences sont surchargées, le personnel est à bout de souffle et les conditions de travail se détériorent», dénonce-t-il.

La situation est si grave qu'un nombre croissant d'omnipraticiens se tournent vers le secteur privé. «Il y a trois ans, deux médecins par année passaient au privé. Maintenant, on parle de 20, 25», note le Dr Godin.

«Sérieux problèmes»

La présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), Régine Laurent, soutient que le réseau de la santé a «de sérieux problèmes». «On le dénonce depuis des décennies. Mais il n'y a pas de volonté politique de régler ça», dit-elle.

Le chef des urgences de l'hôpital du Sacré-Coeur, le Dr Michel Garner, croit que les cas dont les médias ont fait état depuis une semaine (voir tableau) ne sont que la pointe de l'iceberg. «Ça fait 15 ans que je suis chef des urgences à Sacré-Coeur, et ça fait autant de temps que j'alerte les autorités sur la situation précaire. Des décès évitables surviennent dans le réseau. Mais le système tolère ça, dit-il. Le seuil de tolérance est rendu tel... C'est fou ! Il n'y a pas de vraie volonté de régler le problème. Et ce n'est pas vrai qu'il n'y a rien à faire.»

Les proches de Mariette Fournier, cette Montréalaise morte dans un couloir des urgences à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, au début du mois, croient que des états généraux sur la santé doivent avoir lieu afin de régler «la situation catastrophique et chronique que l'on connaît dans les urgences et les hôpitaux» de la province.

La présidente de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), Ghyslaine Desrosiers, affirme que «le système de la santé est géré par la contrainte», ce qui crée beaucoup de problèmes. «Il n'y a jamais eu autant d'infirmières au Québec. S'il y a pénurie, c'est que le réseau est incapable de les garder. On propose des solutions depuis 1998. On demande depuis ce temps-là l'abolition des heures supplémentaires obligatoires. C'est ce qui repousse les infirmières actuellement. Il faut retrouver la flexibilité dans les horaires.»

La directrice générale de l'Association québécoise des établissements de santé et de services sociaux, Lise Denis, qualifie pour sa part de «malheureux» les événements des derniers jours. «Mais il ne faut pas généraliser, tempère-t-elle. Ce n'est pas vrai que tout est en train d'éclater. Mais ça prend plus de mobilisation pour trouver des solutions maintenant, pas dans cinq ans.»