De plus en plus de tests diagnostiques sont réalisés dans des cliniques privées par des médecins du réseau public. Cette pratique ouvre la porte aux conflits d'intérêts, dénoncent plusieurs.

La loi prévoit que le médecin peut facturer au patient des services non assurés lorsqu'ils sont donnés à l'extérieur des hôpitaux. C'est le cas de certains tests diagnostiques réalisés en cabinet privé, notamment l'imagerie par résonance magnétique, la radiologie et la tomodensitométrie.

 

Comme il faut souvent attendre des semaines, voire des mois, pour passer ces tests à l'hôpital, beaucoup de patients préfèrent payer pour les obtenir plus rapidement en cabinet privé.

Souvent, c'est le médecin payé par l'État qui envoie son patient à une clinique privée. C'est parfois même lui qui empoche les bénéfices.

«Le médecin ne peut pas facturer la consultation, mais il peut facturer l'utilisation de l'appareil, par exemple, pour une échographie», explique le porte-parole de la Régie de l'assurance maladie du Québec, Marc Lortie.

Pour le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, le Dr Gaétan Barrette, il est clair que le gouvernement ferme les yeux.

Dans certains secteurs d'activité, le gouvernement laisse aller les choses par souci d'économie, notamment pour des opérations ou des tests diagnostiques. Et c'est le patient qui paie.

«C'est de l'hypocrisie. Le gouvernement sait très bien ce qui se passe, mais ça fait son affaire parce qu'il n'a pas besoin de payer. C'est une économie», dénonce le Dr Barrette.

Même si le phénomène est marginal, l'entreprise privée prend de plus en plus de place d'année en année, ajoute le Dr Barrette. «Dans un système public comme le nôtre, ça n'a pas de sens. Ou le système public fonctionne et on le finance à la hauteur appropriée, ou on laisse aller le privé sans lui mettre de bâtons dans les roues.»

Des questions

Ces pratiques suscitent bien des questions, affirme de son côté Marie-Claude Prémont, professeure de droit à l'École nationale d'administration publique. «Des médecins qui travaillent à l'hôpital font les tests diagnostiques dans le privé. On peut poser la question du conflit d'intérêts.»

Professeur titulaire au département d'administration de la santé à l'Université de Montréal et chercheur au Groupe de recherche interdisciplinaire en santé (GRIS), André-Pierre Contandriopoulos s'interroge aussi sur la dérive actuelle: «On a certainement une forme de privatisation latente de la médecine au Canada, et notamment au Québec.»

Que ce soit des frais accessoires ou des tests diagnostiques au privé, le patient doit toujours payer, déplore M. Contandriopoulos. «Ce sont des incitations qui font en sorte que les gens doivent payer pour avoir accès à des services, ce qui va à l'encontre du principe d'équité.»

Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, affirme que l'importance du privé est marginale mais reconnaît que certains médecins, surtout des radiologistes, pourraient en faire plus dans le public au lieu d'offrir leurs services au privé.

«Cette dynamique demeure très montréalaise. On la voit aussi dans les Laurentides, mais très peu ailleurs en région.»