Les infirmières du réseau public de la santé ont fait un nombre inégalé d'heures supplémentaires dans la dernière année, selon les données les plus récentes du gouvernement, que La Presse a obtenues.

Elles ont fait 3,6 millions d'heures supplémentaires, soit 700 000 heures de plus qu'il y a cinq ans. Et la grande région de Montréal est particulièrement touchée par le phénomène: les infirmières techniciennes et cliniciennes y ont fait près de 1,3 million d'heures supplémentaires l'an dernier, soit près de 300 000 heures de plus qu'il y a cinq ans.

Pendant ce temps, les infirmières des agences privées établissent elles aussi des records: elles ont travaillé 2,8 millions d'heures l'an dernier, soit presque le double d'il y a cinq ans, où 1,5 million d'heures avaient été confiées au privé. Ces données n'incluent pas les heures des infirmières auxiliaires et des inhalothérapeutes, nombreuses à quitter le secteur public pour le privé.

Après Montréal, les régions qui font le plus appel aux agences privées pour combler les quarts de travail sont, dans l'ordre: la Montérégie (316 000 heures), Laval (181 000), les Laurentides (161 630), Lanaudière (154 316), l'Outaouais (151 969), et la région de Québec (135 036), où les grands établissements se sont concertés récemment pour ne plus avoir recours aux infirmières d'agence. Les autres régions ont confié moins de 100 000 heures au secteur privé.

La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) fait remarquer que le personnel infirmier est composé à 98% de femmes, souvent mères de famille monoparentale, pour qui les heures supplémentaires sont un vrai casse-tête.

«C'est la première fois que j'ai accès à ces données. Les chiffres dépassent largement ce à quoi on s'attendait, explique Daniel Gilbert, vice-président de la FIQ. C'est pire. Mais ce qui est pire, c'est qu'on a alerté l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal à plusieurs reprises dans les dernières années. On nous dit toujours qu'on prend bonne note du problème, mais rien n'est fait, et les établissements continuent de gérer localement.»

Hier, des membres de la FIQ ont manifesté pour dénoncer les «fortunes» dépensées dans le privé par le CSSS Coeur-de-l'Île et réclamer plus de «leadership» de la part du gouvernement afin de revoir toute l'organisation du travail.

Horaire normal

Paradoxalement, quand on examine les heures accomplies par les infirmières au cours des cinq dernières années, dans le cadre de l'horaire normal, on constate qu'elles ont diminué. L'an dernier, elles ont travaillé 61,5 millions d'heures dans l'ensemble des 19 régions administratives du Québec, comparativement à tout près de 62 millions il y a cinq ans. C'est 500 000 heures de moins.

Selon la FIQ, il est clair que le nombre astronomique d'heures supplémentaires n'est pas entièrement attribuable à la pénurie d'infirmières au Québec, même si on estime qu'il manque actuellement 4000 infirmières dans le réseau et qu'il en manquera 15 000 dans 10 ans si rien n'est fait pour attirer la main-d'oeuvre.

Au début de la semaine, le ministre de la Santé, interrogé sur le refus de plusieurs infirmières d'allonger leur semaine normale de travail, a dit qu'il n'était pas en faveur des heures supplémentaires. À Québec, hier, Sonia Marceau, directrice rattachée à la gestion du personnel réseau, a expliqué à La Presse qu'on est en train de réviser l'organisation dans 22 hôpitaux.

«Vous savez, les besoins en santé augmentent sans cesse dans le réseau, notamment en raison du vieillissement de la population, et on a un problème de pénurie de la main-d'oeuvre, a expliqué Mme Marceau. En même temps, deux de nos projets, à Maisonneuve-Rosemont et à Verdun, où les heures supplémentaires et l'appel au privé ont diminué, semblent donner des résultats. Nous sommes d'accord pour dire qu'il faut revoir l'organisation, et on y travaille.»

David Levine, président-directeur général de l'Agence, était retenu par le coup d'envoi de la construction du CHUM. Il doit réagir au cours des prochains jours.

-Avec la collaborationde William Leclerc