Dans la foulée de son projet de modernisation, le Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine a eu l'idée de consulter ses patients pour réaménager ses chambres. Près de 300 enfants malades ont répondu à l'appel en dessinant leur chambre de rêve pour recevoir des soins. Des psychologues ont ensuite analysé les oeuvres, plus colorées les unes que les autres. Des chambres où la maladie est occultée. Et qui sont en train de devenir réalité. Visite dans l'univers d'un enfant hospitalisé qui rêve d'une chambre idéale.

Le voyage d'Arthur dans le monde merveilleux des piqûres a duré trois semaines. Il avait «9 ans et trois quarts», précise-t-il. Il a été opéré de l'appendicite. Mais l'infection s'est mêlée de la partie. Il est donc retourné sur la table d'opération. On a dû lui installer un drain. Et le petit bonhomme a été contraint de rester dans sa chambre d'hôpital durant 21 jours.

 

Quand on lui demande aujourd'hui, près d'un an et demi plus tard, ce dont il se souvient de son hospitalisation, il hausse les épaules sans sourire et parle d'une chambre blanche et bleu. Avec une fenêtre donnant sur un stationnement gris. De la nourriture immangeable. Il parle aussi de ses parents qui dormaient à tour de rôle sur un lit pliable. Et de son envie irrésistible de sortir dehors, d'aller jouer dans un parc ensoleillé, où il y aurait une glissoire et des structures de jeu.

Bref, au-delà de la maladie, on s'en doute, l'hôpital ne rappelle pas de bons souvenirs à Arthur. Afin de panser un peu les plaies de ses jeunes patients, le CHU Sainte-Justine a eu l'idée de les consulter quand est venu le temps de dessiner les plans de modernisation de ses installations. Un projet ambitieux, de plus d'un demi-milliard, qui prévoit à terme faire doubler la superficie de l'établissement universitaire de santé du chemin de la Côte-Sainte-Catherine.

Claude Fortin, infirmier de formation et directeur de la transition à Sainte-Justine, explique que des initiatives semblables ont connu du succès en France et en Belgique. À la fin du concours, 292 dessins d'enfants ont été compilés. Des dessins provenant tant d'enfants encore aux couches que d'adolescents hospitalisés. On leur avait fourni du papier et des crayons pour dessiner leur chambre de rêve. Il ne restait ensuite qu'à les analyser pour leur donner vie.

De «belles surprises»

Marie-Claude Charest est l'une des trois psychologues qui a eu la tâche d'analyser les dessins. Elle explique que, de façon générale, les enfants ont recréé «leur chambre dans la chambre d'hôpital». Comme si chaque chambre devenait un «petit univers reproduisant la maison, avec ses différentes parties».

«On a eu droit à de belles surprises même si notre analyse a ses limites puisque les dessins ont pour la plupart été réalisés dans des salles d'attente, en présence des parents, et qu'on ne leur a pas posé de questions. Tout de même, on a constaté qu'il y a des éléments qui se recoupent, comme l'eau, le thème marin, qui est très présent. Ce n'est pas banal parce que l'eau traduit quelque chose de primaire, de primitif. Les enfants ont donc projeté dans la chambre quelque chose de viscéral. Des émotions, des peurs liées à la maladie.»

Peut-être une conséquence de ces peurs, la «hâte d'aller jouer dehors» revient aussi dans les dessins, ont constaté les psychologues. Beaucoup de lumière. Des fleurs. L'une des patientes, Jeanne, âgée de 4 ans et demi, a dessiné deux fenêtres, avec deux soleils souriants. Tout juste à côté de ces fenêtres, un divan confortable pour les proches, peut-être pour ses parents.

«Les dessins traduisent aussi un besoin de bouger. Un besoin de distraction, ajoute la psychologue. Les patients ont parlé de ce qu'ils sont. En thérapie avec les enfants, les dessins sont un outil important. Et ce que des études démontrent, c'est que l'environnement dans lequel on reçoit des soins peut jouer un grand rôle dans la guérison.»

Dans le dessin d'Arthur, un soleil et un parc prennent au moins le tiers de la feuille de papier. Deux lits, dont un pour les parents, occupent le milieu du dessin. Et une grande table pour dessiner et participer à des jeux occupe l'espace du bas. Comme pour les autres dessins qui ont été analysés, il n'y a pas d'appareils médicaux, ni de médecins ou d'infirmières. Même que les enfants s'y dessinent rarement. Une façon d'occulter la maladie.

Fort de ces résultats, l'hôpital Sainte-Justine inaugurera bientôt officiellement trois chambres individuelles à l'unité des soins palliatifs grâce à un don de la Fondation des gouverneurs de l'espoir. Les planchers sont en lattes. La lumière est abondante. Il y a même des dessins lumineux insérés dans le mur. Et on peine à déceler les appareils médicaux. Sainte-Justine pousse aussi ses rêves plus loin en projetant de réaménager tous ses couloirs en tenant compte des besoins des enfants et de leurs parents.

 

Sainte-Justine en bref

Le Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine est considéré comme le plus grand centre mère-enfant du Canada. Il compte 450 lits, enregistre 19 000 admissions par année et accueille 260 000 patients en clinique externe. Plus de 4000 employés y travaillent. Il est l'un des quatre plus importants centres pédiatriques en Amérique. Associé à l'Université de Montréal, le CHU Sainte-Justine accueille chaque année environ 4000 étudiants en pédiatrie. Le Centre a célébré ses 100 ans en 2007.