La décision du gouvernement ontarien de réduire de moitié le prix de vente des médicaments génériques pourrait avoir d'importantes conséquences au Québec. Car selon la Politique du médicament, les prix chuteront ici aussi, entraînant d'importantes économies pour le gouvernement. Mais cette décision ne fait pas que des heureux.

Mercredi, la ministre ontarienne de la Santé, Deb Matthews, a annoncé que le prix de vente des médicaments génériques sera dorénavant fixé à 25% de leur équivalent d'origine, comparativement à 50% actuellement. Mme Matthews estime que la province économisera ainsi 500 millions par année.

La sous-ministre adjointe et administratrice en chef du Programme de médicaments de l'Ontario, Helen Stevenson, explique que son gouvernement estimait payer les médicaments génériques trop cher. «Les Ontariens vont bénéficier de ce changement», dit-elle.

Au Québec, les médicaments génériques se vendent actuellement à 54% du coût de leur équivalent d'origine. Si la province emboîte le pas à l'Ontario, ce n'est pas moins de 300 millions de dollars par année qu'elle pourrait ainsi économiser, estime le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), le Dr Gaétan Barrette.

La FMSQ a mené une vaste campagne de publicité au cours des derniers mois, dans laquelle le Dr Barrette expliquait que le gouvernement québécois économiserait en diminuant le prix de vente des médicaments génériques. C'est ce que l'Ontario a fait cette semaine.

«Je suis très heureux de cette annonce. Mais je trouve déplorable encore une fois que le Québec soit à la remorque des autres provinces», commente le Dr Barrette.

Le cabinet du ministre de la Santé, Yves Bolduc, affirme que le gouvernement n'envisage pas de baisser les prix des médicaments génériques. «Nous avons une politique du médicament sur laquelle on va se fier», dit l'attachée de presse du ministre, Karine Rivard.

Le vice-président exécutif de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP), Normand Cadieux, confirme toutefois que le Québec n'aura pas le choix de baisser ses prix. La Politique du médicament indique en effet que «en vertu de l'engagement du fabricant, celui-ci doit offrir au régime public québécois le meilleur prix consenti dans tout autre régime public provincial au Canada».

Au Québec, 50,5% des médicaments vendus sont génériques. En 2009, les ventes de médicaments génériques dans la province ont totalisé 1,6 milliard de dollars selon IMS Health Canada. Les économies possibles sont donc substantielles.

Mais cette chute des prix ne fait pas que des heureux. Car si les consommateurs paient moins cher, les pharmaciens privés, eux, perdront des profits. (voir le texte ci-dessous).

Les baisses de prix inquiètent aussi les fabricants de médicaments génériques. Le directeur exécutif pour le Québec de l'Association canadienne du médicament générique, Yves Dupré, craint que la situation ne devienne «invivable» pour son industrie.

Ce dernier ajoute que les règles du jeu sont particulières au Québec. Pour protéger son industrie pharmaceutique, la province accepte de payer pendant 15 ans le prix d'un médicament d'origine, et ce, même si une version générique beaucoup moins coûteuse existe.

«Le gouvernement a calculé que cette façon de faire était économique. Mais si on baisse le prix des médicaments génériques, cet avantage sera beaucoup moins grand, voire inexistant», affirme M. Dupré, qui croit que le gouvernement devra analyser les répercussions d'un tel changement.

Fini les ristournes

L'Ontario a aussi annoncé mercredi que les ristournes versées par les fabricants de médicaments génériques aux pharmaciens ne seront plus tolérées.

Au Québec, les ristournes sont sévèrement encadrées depuis deux ans. Ces sommes, qui ne peuvent représenter plus de 20% du prix de vente du médicament, sont versées au pharmacien. «Mais on ne peut pas utiliser cet argent à n'importe quelle fin, explique M. Cadieux. On peut l'investir dans des programmes de formation continue, dans l'achat d'appareils... Et on doit tenir un registre qui dit ce qu'on fait avec ces sommes.»

Il y a quelques années, une bonne partie des 1600 pharmaciens propriétaires du Québec s'étaient retrouvés dans l'embarras après qu'on eut révélé qu'ils recevaient d'importantes ristournes qu'ils utilisaient à des fins personnelles. Une vingtaine d'entre eux, dont le président de l'AQPP, Normand Bonin, sont actuellement devant le conseil de discipline de leur ordre à ce sujet.

Mais selon M. Dupré, les «allocations professionnelles» continueront d'être versées au Québec. «Mais si on baisse les prix à 25% et qu'on doit en plus payer les allocations, ce ne sera vraiment plus rentable pour nous», dit-il.