Malgré 10 ans d'efforts et 1,4 milliard de dollars dépensés par le fédéral, seulement 17% des Canadiens ont un dossier de santé électronique à ce jour. Pourtant, Inforoute Santé du Canada, organisme financé à coups de millions par le gouvernement afin d'implanter des dossiers de santé électroniques dans toutes les provinces, s'était engagé à ce qu'au moins la moitié des Canadiens aient un dossier électronique en 2010, selon les informations que La Presse a recueillies.

Encore cette année, une somme de 64,5 millions a été accordée à l'organisme à but non lucratif, révèlent des informations obtenues en vertu de la loi d'accès à l'information auprès du commissaire à l'information du Canada. L'an dernier, ce total était de 123 millions. Le Québec a été la dernière province à participer au programme d'informatisation, en 2006. Jusqu'à maintenant, 108,8 millions ont été versés au gouvernement provincial sur une enveloppe prévue de 320 millions.

Cet argent a notamment servi à mettre en branle un projet-pilote à Québec par l'agence de santé et des services sociaux de la Capitale-Nationale. La fin du projet expérimental est prévue en juin prochain. Par la suite, le gouvernement doit décider si l'implantation se fera à l'échelle de la province. L'objectif ultime du dossier électronique est d'améliorer l'accessibilité et la qualité des soins en permettant aux médecins, infirmières, pharmaciens et techniciens de laboratoire et de radiologie d'avoir accès au dossier médical électronique des patients.

Appelé à commenter l'avancement de l'implantation des dossiers électroniques, Inforoute Santé du Canada a expliqué que l'année financière vient de s'achever et que les résultats ne seront dévoilés publiquement que dans quelques mois. En consultant les dernières données du plan d'affaires 2009-2010, qui ont été diffusées, on constate toutefois que mis à part la création d'un registre des clients et patients, le Québec est encore en phase de «planification» pour l'informatisation de l'imagerie diagnostique, des médicaments, des rapports de vaccination et de l'information de laboratoire.

«On a deux projets de télésanté et d'imagerie diagnostique (numérisée) qui sont bien implantés, à Sherbrooke et à McGill, dont l'un pour permettre des vidéoconférences à distance, précise la directrice d'Inforoute pour le Québec, Louise Beauchesne. Actuellement, le gouvernement est en discussion avec les associations professionnelles médicales pour conclure des ententes. Une portion plus compliquée, a-t-elle ajouté, qui fait partie des négociations.»

Secret professionnel

Si les médecins ne sont pas totalement fermés à l'idée d'informatiser les dossiers médicaux au Québec, ils ont déjà exprimé des craintes en matière de secret professionnel. Le sujet fait même la manchette du dernier numéro de la revue Le médecin du Québec. On explique, à cet égard, que l'Association canadienne de protection médicale (ACPM) a déjà sanctionné deux médecins qui ont consulté des dossiers médicaux électroniques sans motifs valables.

L'ACPM rapporte aussi le cas d'une secrétaire chargée de transcrire des rapports médicaux dont l'ordinateur était défectueux. Son vieil appareil a été vendu sans que le disque dur ne soit effacé. Trois mois plus tard, le contenu a été mis au jour. À cause de ces dérapages, l'Association a déjà décrié «un urgent» besoin de mettre en place un cadre de gestion des dossiers électroniques, ainsi que des politiques et des normes adéquates. Ces normes n'ont pas été clairement établies au Québec.

Pour le moment, l'Alberta est une figure de proue dans l'avancement de l'informatisation de ses dossiers médicaux. Au même titre que la Colombie-Britannique. Sauf que ces deux provinces avaient commencé l'implantation bien avant la création d'Inforoute Santé Canada, il y a une quinzaine d'années. Les deux provinces ont respectivement reçu 89,2 et 132 millions de dollars. À l'autre bout du spectre, le Nunavut, qui a obtenu 2,4 millions, a tout juste passé l'étape de la planification. À la fin de 2011, le fédéral aura accordé 1,6 milliard à Inforoute Santé Canada, sans compter les frais d'exploitation et les sommes qu'auront dépensées les provinces.

La semaine dernière, la question de l'informatisation des dossiers médicaux a fait bondir l'opposition officielle à Québec, qui déplore que, malgré les investissements de 320 millions, le projet n'existe que sur «papier». Bernard Drainville, critique en matière de santé pour le Parti québécois, a aussi formulé de sérieux doutes au sujet des 350 contrats signés pour permettre la réalisation du projet.

Avec la collaboration de William Leclerc