Le réseau québécois de la santé n'est pas bien adapté à l'augmentation du nombre de malades chroniques, déplore le commissaire à la santé et au bien-être, Robert Salois.

Dans son second rapport annuel, déposé hier à l'Assemblée nationale, le commissaire Salois brosse aussi un tableau bien mitigé de la qualité des soins offerts dans les établissements québécois. Pour lui, il faut «revoir la façon dont nous dispensons les soins et mieux évaluer la pertinence des services donnés».

La performance du réseau de santé québécois «demeure sous la moyenne canadienne», et le Québec «perd du terrain comparativement aux autres provinces». Par rapport à d'autres pays - les pays d'Europe, les États-Unis et la Nouvelle-Zélande -, le Québec accuse des «retards importants quant aux meilleures façons d'organiser les soins».

Cette année, le commissaire s'est penché plus particulièrement sur le phénomène des maladies chroniques, qui occupent de plus en plus les professionnels du réseau. Cinq pour cent des malades mobilisent la moitié des soins, une réalité nouvelle amenée par les progrès de la médecine, qui ont amélioré la longévité. Désormais, 53% de la population est atteinte de maladie chronique, et bien des gens ont plusieurs maladies en même temps. Les soins que requièrent ces malades représentent 65% des coûts du système de santé.

D'autre part, le commissaire constate une amélioration des habitudes de vie au Québec, même si le taux d'obésité rattrape celui des autres provinces canadiennes. Dans l'ensemble, la réponse aux maladies chroniques s'est améliorée, sauf pour le cancer et le diabète.

Sous l'angle de la prévention, le Québec obtient une note moyenne comparativement au reste du Canada. C'est au Québec que les infirmières interviennent le moins pour les maladies chroniques - 20% au Québec, contre 26% en Ontario. Au Royaume-Uni, les infirmières sont deux fois plus sollicitées pour la gestion des maladies chroniques.

Le rapport révèle même la performance relative des régions. À Montréal, les taux de cancer sont les plus bas du Québec. Le cancer du poumon, par exemple, atteint 73,8 Montréalais sur 100 000; c'est 10 cas de moins que la moyenne québécoise. Les résultats sont moins bons pour les maladies respiratoires chroniques et le diabète, où la métropole a le moins bon score de toutes les régions disposant d'un hôpital universitaire.

C'est au Québec qu'on éprouve le plus de difficulté à avoir accès aux soins autrement qu'en passant par les urgences. Ainsi, 61% des Québécois jugent qu'il est très ou assez difficile d'entrer dans le système par une autre porte que les urgences. Les Canadiens sont du même avis dans une proportion de 55%, et 34% des Allemands pensent la même chose.

Le Québec fait mauvaise figure aussi dans l'utilisation des dossiers électroniques, dont on se sert une fois sur cinq, soit deux fois moins qu'en Ontario. En Europe, ces dossiers servent dans la très grande majorité des cas. C'est encore au Québec qu'il est le plus difficile d'obtenir une liste complète de tous les médicaments pris par un patient. Le coût des soins est un obstacle à leur accessibilité pour 17% des patients seulement, un score comparable à la moyenne canadienne, et deux fois moins élevé qu'aux États-Unis.

Selon M. Salois, le système québécois, conçu «autour des médecins et de l'hôpital», vise avant tout à soigner des patients qui éprouvent un problème de santé aigu et temporaire. Le système n'est pas conçu pour le patient qui, diabétique à 35 ans, aura besoin de soins toute sa vie, observe-t-il.

Quant au projet du gouvernement d'imposer une «franchise» à l'utilisation des services de santé, M. Salois ne cache pas sa réticence: cette méthode ne réduit pas la pression sur la demande, selon lui. Dans une consultation faite auprès de 200 spécialistes sur les façons d'améliorer le système, «personne n'a recommandé un ticket modérateur», observe-t-il. Selon le Dr Jean-Frédéric Lévesque, commissaire adjoint à l'appréciation et à l'analyse, un tel système aurait à coup sûr un impact négatif sur l'accès aux soins. Cette mesure pourrait même avoir des effets néfastes, selon le Dr Lévesque.

«S'il y a des gens qui consultent de manière inappropriée, il y aussi des gens qui auraient besoin de soins et qui, face à certaines dépenses complémentaires, pourraient retarder ou même ne pas obtenir du tout leurs services. Évidemment, lorsque les gens retardent leurs services, nous nous inquiétons», a expliqué le Dr Lévesque.