Le Dr Gaétan Barrette s'est retenu à deux mains durant tout le week-end pour ne pas dénoncer publiquement les propos du cardinal Marc Ouellet sur l'avortement. «Je suis bleu marin juste à y penser. C'est indécent, odieux, grossier. Il devrait avoir honte», a dit à La Presse le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ).

Le Dr Barrette estime que Mgr Ouellet vient de faire «la démonstration des raisons pour lesquelles la séparation de l'État et de l'Église doit être absolue»: «Quand un prélat arrive sur la place publique et suggère de changer des lois, je lui dis: va dans ton église, mets-toi à genoux et prie.»

Le Dr Barrette ajoute ainsi sa voix à celles qui dénoncent sévèrement les propos qu'a tenus le cardinal vendredi devant 200 personnes au Congrès Québec-Vie. Il s'était alors prononcé contre l'avortement, même lorsque la grossesse résulte d'un viol. Le président de la FMSQ tient à rappeler au cardinal que «sa job, c'est de supporter l'état moral de la population et non de décréter des lois».

Le Dr Barrette rappelle que l'on a eu peine à sortir d'une époque pas si lointaine où les femmes devaient recourir clandestinement à l'avortement.

Elles avaient souvent l'utérus perforé, quand ce n'était pas d'autres organes, et mouraient au bout de leur sang. «C'était l'époque de la noirceur médicale», dit-il.

Il précise qu'il ne fait pas la promotion de l'avortement, mais il estime que les médecins doivent être libres de le pratiquer dans une décision commune prise avec leur patiente. S'il y a un débat à faire, ajoute-t-il, c'est autour des délais dans lesquels une interruption de grossesse est acceptable. «Et ce débat est fait», dit-il.

«D'ailleurs, nous, les spécialistes, en avons beaucoup contre la politique Harper. C'est scandaleux, au fédéral, de ne pas soutenir l'avortement à l'international. C'est une intrusion de la religion. Et c'est très inquiétant, dans un monde qui reproche à l'islam de prendre trop de place en politique, de laisser faire la même chose à un cardinal catholique. À un moment donné, tranche Dr Barrette, il faut être cohérent dans la société.»