Les patients n'ont jamais attendu aussi longtemps sur une civière au Québec. Ils séjournent en moyenne 30 minutes de plus dans les urgences que l'an dernier, soit 17h36 min. C'est 2h12 min d'attente de plus qu'il y a 5 ans pour l'ensemble de la province. Une attente qui s'éloigne de plus en plus de la cible ministérielle de 12 heures.

Dans la région de Montréal, la situation est particulièrement préoccupante, avec une attente moyenne de 20h13 min. C'est toutefois à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, établissement marqué par la mort d'une femme qui avait passé quatre jours dans un couloir au cours de l'hiver, que l'attente sur les civières explose. Elle est maintenant de 34h6 min en moyenne. La situation n'est guère plus reluisante à Santa-Cabrini, autre établissement montréalais, où les patients passent en moyenne 33h36 min sur les civières.

Cité-de-la-Santé à Laval a aussi perdu du galon. Sa note passe de B+ à B-, pour une moyenne d'attente de 18h48 min sur les civières. Ce chiffre fait référence au temps de séjour aux urgences et représente la durée de l'épisode de soins. D'autre part, les hôpitaux Brome-Missisquoi Perkins, de Cowansville, et Saint-Eustache, arrivent au dernier rang du palmarès au même titre que le CHUM Notre-Dame, avec la note E+.

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Globalement, la note pour l'ensemble des urgences de la province a glissé de C+ à C- en 5 ans. Cette année, 18 hôpitaux seulement sont parvenus à améliorer leur performance, dont 2 hôpitaux universitaires. Il s'agit du CHUQ Saint-François-d'Assise, à Québec, et de l'Hôtel-Dieu de Lévis, avec des notes respectives de D- et B+.

Des patients de plus en plus âgés

Les patients sont de plus en plus vieux, confirment aussi les données du gouvernement, avec une augmentation de 2,4% en un an de la clientèle de 75 ans et plus. Ils sont également de plus en plus malades. Et la lutte contre la pandémie de grippe A (H1N1) a porté un grand coup au réseau de la santé l'an dernier, indique le ministre de la Santé, le Dr Yves Bolduc.

Par ailleurs, grâce à la méthode Toyota (Lean Healthcare) appliquée au centre Cloutier-du-Rivage du CSSS Trois-Rivières depuis un an, la région de la Mauricie se démarque du reste de la province par ses bonnes notes cette année. À cet hôpital, le temps d'attente moyen est passé de 17h18 min à 5h19 min en un an. Une victoire pour le ministre Bolduc, qui compte étendre la méthode à l'ensemble du réseau de la santé.

Mais en attendant de ressentir vraiment les résultats des actions du gouvernement aux urgences, il faut sortir des grands centres pour espérer se faire soigner dans un délai se rapprochant de 12 heures.

À la lumière des données plus ou moins encourageantes selon les établissements de santé, la Dre Geneviève Bécotte, présidente de l'Association des médecins d'urgence du Québec, presse le gouvernement de nommer quelqu'un à la place du directeur national des urgences, le Dr Pierre Savard, qui a abruptement quitté son poste au cours de l'hiver dans la foulée de la crise dans les urgences de Montréal. Il est pour l'instant remplacé par intérim par le Dr Daniel Lefrançois.

«On a une absence de vision à long terme au gouvernement, déplore la Dre Bécotte. C'est frustrant. Les équipes sont épuisées dans les urgences et ça entraîne un important roulement de personnel. On voit qu'il faut du financement et des actions musclées, pas juste durant les crises comme celle que nous avons eue cet hiver et celle que nous allons fort probablement connaître de nouveau à l'été.»

Lise Denis, présidente de l'Association québécoise des établissements de santé et services sociaux (AQESSS), partage la même opinion au sujet du financement. Dans un contexte «difficile et fragile», elle tient à souligner que les hôpitaux font de grands efforts.

«Quand on regarde l'augmentation de la clientèle sur civière et l'augmentation des patients de 75 ans et plus, ça démontre qu'il faut travailler en amont, de même qu'en deuxième et troisième ligne. Il faut des médecins de famille qui contribueront à prévenir des maladies et des soins à domicile pour éviter les visites aux urgences. Il sera aussi important d'augmenter les ressources intermédiaires, notamment dans la création de centres de réadaptation», estime Mme Denis.