«Tant qu'un médecin dirigera le ministère de la Santé au Québec, on aura toujours les mêmes problèmes dans le réseau de la santé. Un médecin ne peut pas scier la branche sur laquelle il est assis», estime Jean-Luc Tremblay, gestionnaire reconnu par ses pairs comme étant le «Patch Adams» de l'administration publique.

L'auteur du best-seller Le plaisir par la performance et ancien dirigeant de plusieurs établissements de santé a tenu ces propos hier devant des centaines de technologues médicaux et cytologistes réunis, à Laval, dans le cadre d'un congrès qui se poursuit aujourd'hui. La reconnaissance de leur profession, la pénurie de technologues médicaux appréhendée d'ici quelques années, de même que les contrôles de conformité des tests en laboratoire sont au centre des enjeux de cette rencontre dont le discours d'ouverture a été confié à Jean-Luc Tremblay.

 

À quelques jours d'un remaniement ministériel probable au gouvernement provincial, M. Tremblay a soutenu à La Presse qu'il serait «étonnant qu'un médecin puisse un jour apporter des transformations majeures en santé». Selon lui, le gouvernement doit changer sa façon de gouverner le réseau de la santé. Et il se désole de constater à quel point les médecins sont «intouchables».

Coincé

«Le ministre est coincé comme tous les autres ministres, a expliqué M. Tremblay. Mais pour le Dr Yves Bolduc, c'est pire de scier la branche en envisageant qu'il retournera fort probablement à la pratique à la fin de son mandat.» En conséquence, M. Tremblay estime qu'il est impératif que le gouvernement donne plus de pouvoirs sur les actes médicaux aux dirigeants des hôpitaux, et il souhaite qu'on pousse les médecins à créer un «effet domino» dans les établissements.

«Les médecins doivent accorder plus de pouvoir aux infirmières praticiennes, qui, elles, doivent déléguer aux cliniciennes, ensuite aux auxiliaires et même aux préposés. Ce jeu de domino aurait pour effet de dégager les médecins en leur permettant ainsi de soigner plus de patients.»

Quant aux actes médicaux, M. Tremblay fait remarquer que la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ) reçoit chaque année plus de 40 millions en réclamations, mais qu'elle n'en vérifie qu'une poignée. «On ne demande pas de comptes aux médecins, déplore M. Tremblay, qui est appelé à donner des conférences dans plusieurs hôpitaux. Pourtant, il faut absolument une reddition de comptes.»

Enfin, l'ancien directeur général en santé n'est pas enthousiaste à l'égard de la méthode «Toyota» que préconise le ministre Bolduc. «Regardez ce qui se passe à l'intérieur de ce constructeur automobile, a-t-il dit. L'entreprise a l'un des taux de burnout les plus élevés. Ce qu'il faut, c'est consulter et faire participer tout le personnel de la santé.»