L'an dernier, plus de 17 000 enfants canadiens ont attendu plus longtemps pour obtenir une opération que le recommandait leur médecin. C'est particulièrement vrai en dentisterie et en ophtalmologie, où les hôpitaux universitaires pédiatriques obtiennent la cote «D», selon le cinquième bulletin de l'Alliance sur les temps d'attente en chirurgie publié hier.

De façon générale, l'Alliance a conclu que plus de la moitié des enfants en attente d'une chirurgie de la bouche ou des yeux ont attendu plus longtemps que le délai prescrit par leur médecin. Au point de mettre en danger le développement de la parole, de la vision et, par conséquent, du cerveau des enfants.

Au Québec, les temps d'attente à l'hôpital Sainte-Justine et à l'Hôpital de Montréal pour enfants ont été analysés.

Toutes provinces confondues, en comparant 15 centres universitaires de sciences de la santé en pédiatrie, l'an dernier, l'Alliance donne les pires notes à la dentisterie et à l'ophtalmologie. Vient ensuite la chirurgie plastique pédiatrique, qui obtient à peine la note de passage de «C». Quatre spécialités parviennent quand même à arracher un «A», soit la chirurgie générale, l'urologie, l'orthopédie et la gynécologie.

Grâce aux bonnes performances dans ces domaines, près de trois enfants sur quatre (73%) au pays ont pu se faire opérer dans des délais jugés respectables, pour une note globale de «B». L'oncologie, la cardiologie, la neurologie et l'oto-rhino-laryngologie obtiennent la note de «B».

L'Alliance sur les temps d'attente a été formée par des médecins inquiets de l'attente que vivent leurs patients avant d'avoir accès aux soins. Elle réunit 14 organisations, dont l'Association canadienne de chirurgie infantile.

Des résultats «inquiétants»

Les résultats de l'étude ont fait bondir la Société canadienne de pédiatrie ainsi que le Conseil pour la protection des malades, qui dénoncent les conséquences importantes de ces délais d'attente sur la santé des enfants.

«Les résultats sont très inquiétants parce que les études démontrent que des problèmes de vision et d'audition non réglés pendant l'enfance peuvent hypothéquer la vie d'une personne pour des dizaines et des dizaines d'années», a déploré Paul Brunet, du Conseil pour la protection des malades. «À long terme, la société va devoir assumer les coûts pour traiter les conséquences médicales et sociales engendrés par ces délais.»

La directrice générale de la Société canadienne de pédiatrie abonde en ce sens. À son avis, il ne faut pas sous-estimer les impacts que peut avoir une telle attente sur la vie des patients et de leur famille.

«Il ne faut pas perdre de vue que, lorsqu'un enfant souffre durant un long moment, par exemple de douleurs aux dents, il aura du mal à rester concentré à l'école», a expliqué Marie Adèle Davis. «Par ailleurs, un enfant malade qui doit manquer l'école ne peut pas rester seul à la maison. Les parents doivent parfois quitter leur emploi pour prendre soin de lui, ce qui engendre des conséquences financières.»

Mme Davis a salué le bulletin de l'Alliance et s'est dite «impressionnée» par la rigueur de ce premier exercice sur la chirurgie pédiatrique. «Je crois qu'il serait maintenant primordial de se pencher sur les soins de santé mentale offerts aux enfants et aux jeunes. Selon nos informations, le temps d'attente pour avoir accès gratuitement à un psychologue, par exemple, peut atteindre 18 mois. C'est très préoccupant.»