On les appelle les «contrôleurs» du VIH parce qu'ils n'ont pas le sida même s'ils sont infectés. Leur secret pourrait bien être la clé de la défaite finale de la maladie.

Cette semaine, au congrès mondial sur le sida à Vienne, les contrôleurs ont fait l'objet de dizaines de présentations. Depuis 2003, ils ont droit à leur propre conférence annuelle à Saint-Martin, dans les Antilles. «Nous nous intéressons aux individus qui ont moins de 200 copies de virus par millilitre de sang sans prendre d'antirétroviraux», explique Florencia Pereyra, virologue à l'Institut Ragon de Harvard, qui est l'une des principales responsables d'une étude internationale regroupant 1500 contrôleurs. «Normalement, les personnes malades ont de 10 000 à 50 000 copies par millilitre et parfois jusqu'à des millions. L'objectif des antirétroviraux est de ramener la quantité de virus à moins de 3000 copies par millilitre pour que le patient reste en santé, et même à moins de 2000 copies, pour que le risque de transmission dans des rapports hétérosexuels non protégés soit faible.»

La Dre Pereyra a publié l'an dernier une étude remarquée qui conclut qu'environ 1 personne infectée sur 200 a une charge virale indétectable avec les méthodes courantes, ce qui équivaut à moins de 40 copies par millilitre. «Nous avons utilisé une méthode qui permet de détecter une seule copie du virus, dit-elle. Ce sont des contrôleurs d'élite. Ils ont en moyenne deux copies par millilitre de sang et la majorité avait moins de 10 à 12 copies par millilitre. Nous allons étudier leur génétique pour comprendre ce qui les rend si résistants.»

Jusqu'à maintenant, les études ont montré que le taux de certaines protéines du système immunitaire est de 10 à 20 fois plus élevé chez les contrôleurs. Une étude française publiée à Vienne a pour sa part identifié des gènes qui garantissent un nombre et une qualité plus élevés des cellules du système immunitaire qui sont chargées de se souvenir des caractéristiques des microbes, dont celles du VIH, et de favoriser une réponse rapide face aux infections.

Le secret des contrôleurs pourrait aussi aider à lutter contre les «réservoirs» de VIH, où se cachent des copies inactives du virus pendant que le patient est sous antirétroviraux. Les médicaments ciblent seulement les virus qui se reproduisent activement. Quand le traitement cesse, les réservoirs peuvent reprendre leur activité et reconquérir le corps du patient.

«Pour le moment, c'est spéculatif, mais on pense que le système immunitaire des contrôleurs n'agit pas seulement sur les réservoirs de VIH dans le sang, mais aussi dans d'autres parties du corps, les muqueuses de l'intestin et du rectum, notamment», dit la Dre Pereyra.

Certains contrôleurs sont conscients de leur importance. C'est notamment le cas de la Californienne Loreen Willenberg, atteinte du VIH depuis 1992, mais qui n'a jamais eu besoin d'antirétroviraux. Mme Willenberg a un blogue sur le sujet, où elle a fait état cette semaine des études publiées à Vienne.