En pleine pénurie de médecins de famille, des cliniques privées offrent à des patients les services d'un médecin moyennant quelques centaines de dollars. Cette pratique, critiquée par le Collège des médecins, fait actuellement l'objet d'une enquête de la RAMQ.



Les médecins de famille du Groupe santé Physimed, à Montréal, acceptent de nouveaux patients à condition que ceux-ci se soumettent à un bilan de santé: c'est ce que La Presse a fait, pour 340$. Le bilan comprend, entre autres choses, une rencontre avec un médecin affilié à la RAMQ qui pratique

à la clinique.



Une fois les tests terminés, on peut remplir une demande pour qu'il devienne notre médecin de famille. Un rendez-vous est donné avec lui deux semaines plus tard, sans frais. Un mois après, Physimed nous informe qu'il est devenu

notre médecin de famille.

La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec se montre critique envers ce genre de service. «Pour nous, l'accès à un service assuré ne doit pas être lié à la capacité de payer d'un patient. C'est sa condition médicale qui fait qu'il a accès à un médecin du service public», rappelle le Dr Louis Godin, président de la Fédération.

Une pratique de longue date

Ce genre d'offre n'a pourtant rien de nouveau. En 2007, la RAMQ a enquêté sur la clinique Bois-Franc, qui, d'après La Presse, soumettait ses nouveaux patients à des bilans de santé préventifs. L'enquête avait finalement conclu que les frais demandés aux patients servaient à payer des analyses en laboratoire privé et que la clinique ne contrevenait pas à la loi.

La question a toutefois réapparu au printemps dernier, dans un autre article de La Presse. La RAMQ s'est penchée cette fois sur la clinique MedSync, qui proposait, par télémarketing, un médecin de famille à l'issue d'une série de tests faits en laboratoire privé et facturés 499$.

«On regarde ce qu'il en est en ce moment, explique Marc Lortie, responsable des communications de la RAMQ. Pour Physimed, il faudrait que l'on ait tous les éléments pour se prononcer, il faudrait que l'on enquête. Le pattern est discutable, c'est sûr.»

MedSync fait aussi l'objet d'une enquête du syndic du Collège des médecins, nous apprend la coordonnatrice aux relations publiques, Leslie Labranche. D'autres cliniques pourraient être visées par l'enquête. «Le Collège est préoccupé par ces cliniques qui offrent des bilans de santé»,

dit Mme Labranche.

Avec deux millions de Québécois sans médecin de famille, l'offre de MedSync ou de Physimed est susceptible d'attirer un nombre croissant de patients, regrette Marie-Claude Goulet, présidente de Médecins québécois pour le régime public.

«Les gens sont prêts à payer pour voir un médecin de famille. C'est normal. Le problème, c'est que certaines personnes en profitent pour faire de l'argent, dit-elle. Cela crée des iniquités majeures dans la société entre ceux qui peuvent payer et ceux qui ne le peuvent pas.»

Au cabinet du ministre de la Santé, on estime que l'offre de la clinique Physimed semble discutable. «Si cela devient de plus en plus répandu, qu'on se rend compte qu'il y a une lacune dans la loi, c'est une des choses (dont le ministre Bolduc) voudra se saisir: il y aura lieu de se questionner sur le dispositif législatif», dit la directrice des communications du cabinet du ministre, Marie-Ève Bédard.

La Presse a téléphoné à Physimed plusieurs fois, mais l'administration n'a pas répondu à notre demande d'entrevue. Le Groupe santé Physimed, fondé en 1988, offre depuis le début des années 90 un programme de bilan de santé. D'après son site internet, Physimed compterait

230 000 patients.