Le gouvernement de Jean Charest a présenté un projet d'agrandissement et de modernisation du CHU Sainte-Justine nettement plus important que le plan initial. Au lieu de coûter 500 millions, les travaux au centre universitaire pédiatrique atteindront le double, soit près d'un milliard de dollars. Et l'échéance de la construction est repoussée de 2014 à 2018.

Après quatre ans d'attente, le premier ministre a aussi annoncé à Montréal que la formule partenariat public-privé (PPP) avait été écartée pour privilégier un mélange «clés en main et traditionnel». Cela signifie que le gouvernement aura une garantie de l'entrepreneur durant la construction des nouveaux bâtiments, mais que l'établissement lui reviendra ensuite, avec les responsabilités qui vont de pair.

«N'allez pas écrire, dire demain, qu'il y a un dépassement des coûts, a prévenu Jean Charest, lors d'un point de presse à Sainte-Justine, en compagnie des ministres Yves Bolduc, Raymond Bachand et Pierre Arcand. Ce n'est plus du tout le même projet qu'en 2006, ce ne sont pas les mêmes projections. On parle aujourd'hui d'un projet avec 50% plus de superficie.»

L'hôpital du chemin de la Côte-Sainte-Catherine, aux abords de la montagne, sera en effet quasiment méconnaissable après les travaux. Sa superficie au sol augmentera de deux tiers (65%) pour atteindre 200 000 mètres carrés. On passe donc du simple au double, avec quatre nouvelles constructions ultramodernes atteignant la même hauteur que le plus haut sommet de l'édifice principal.

À l'intérieur de ces nouveaux bâtiments, il y aura des blocs opératoires, des soins intensifs en néonatalogie avec 80 lits au lieu de 65, une nouvelle unité de pédiatrie ainsi qu'un nombre plus grand de chambres de naissance. On y retrouvera également les appareils d'imagerie médicale.

Dimensions exponentielles

À terme, Sainte-Justine sera doté de 419 lits, soit sensiblement le même nombre qu'à l'heure actuelle, à la différence qu'ils seront tous en chambres simples. Deux cent soixante et un de ces lits se trouveront dans les nouveaux bâtiments, qui seront accessibles grâce à un stationnement souterrain d'au moins 1800 places, avec des besoins projetés de 2300 places.

Le nouveau Centre de recherche prendra pour sa part des dimensions exponentielles, avec 82 modules de laboratoires pour la recherche fondamentale et clinique, et la venue projetée de 30 nouveaux chercheurs. Dans un contexte de pénurie de médecins, de spécialistes en pédiatrie et de chercheurs, et alors que le financement de la santé accuse un manque à gagner de plusieurs centaines de millions de dollars, Jean Charest s'est montré rassurant.

«Ce centre fera de nous un leader. On va négocier le budget de fonctionnement au fur et à mesure, a précisé Jean Charest, interrogé à ce sujet. Depuis sept ans, on fait des efforts. Il y a des progrès, notamment sur le nombre de médecins. Le dernier rapport du Collège des médecins en fait d'ailleurs état, avec 600 nouveaux permis d'exercice.»

Le directeur général de Sainte-Justine, Fabrice Brunet, avait souligné à La Presse, lors d'un entretien réalisé il y a quelques semaines, que la «capacité physique actuelle ne permettait pas de répondre aux besoins». Il avait ajouté que l'analyse préalable était détaillée et «qu'on a la certitude que ce qu'on va livrer répondra aux besoins».

Et l'argent du fédéral?

À Québec, le critique en santé de l'opposition officielle, Bernard Drainville, a bondi de sa chaise en prenant connaissance de la nouvelle mouture de Sainte-Justine. Il entend demander des comptes tous les trois mois au ministre de la Santé. Et il se demande où sont passés les 120 millions qui devaient provenir du gouvernement fédéral pour financer la pédiatrie au Québec.

«On ne l'avait pas vue venir, celle-là, a-t-il dit. Ça n'a pas de bon sens, il ne peut pas justifier une augmentation d'un demi-milliard par l'augmentation de 30 chercheurs. Jean Charest devra s'expliquer. On veut à tout prix éviter que le projet de Sainte-Justine tourne au psychodrame comme le CHUM.»

Présent lors de l'annonce, Clermont Gignac, qui vient d'être de nouveau nommé directeur des projets de construction des trois CHU (Sainte-Justine, CHUM et CUSM), a expliqué à La Presse qu'avec Sainte-Justine, selon lui, «l'avantage, c'est qu'on connaît les coûts des deux autres projets. Il n'y aura pas de dépassement de coûts», a-t-il assuré.

M. Gignac, reconnu pour sa poigne de fer quand il est question d'argent, a ajouté qu'il était confiant que les travaux des trois centres universitaires seront achevés à temps, pour 2018. «Les trois hôpitaux font appel à de la main-d'oeuvre différente, à des étapes différentes.»

En ce qui concerne Sainte-Justine, les appels de qualification seront lancés cet automne, pour un début des travaux projeté très tôt dans l'année 2011.