C'est aujourd'hui que s'ouvre la grande tournée québécoise sur la délicate question de l'euthanasie. La Commission spéciale du gouvernement sur la question de mourir dans la dignitésera à Montréal toute la semaine, avant de s'arrêter à Trois Rivières puis à Québec. Des audiences sont ensuite prévues à Sherbrooke, Saint-Jérôme, Gatineau, à Rimouski et au Saguenay.

Attendue depuis deux ans, cette vaste consultation parlementaire soulève depuis son annonce un intérêt hors du commun. Un peu plus de 216 mémoires ont été déposés à Québec et, du nombre, 144 proviennent de citoyens. Jusqu'à maintenant, 65 demandes d'intervention par des citoyens ont été formulées. Et plus de 3529 personnes ont rempli le questionnaire proposé sur le site internet de la Commission.

La secrétaire de la Commission, Anik Laplante, explique que de mémoire il n'y a jamais eu un tel soulèvement pour une consultation. Et que d'habitude, la majorité des mémoires proviennent plutôt d'organismes. Le choix du député libéral Geoffrey Kelley pour présider la commission n'est par ailleurs pas étranger au fait qu'une grande partie des demandes d'intervention proviennent de la communauté anglophone.

Soins palliatifs dans la ligne de mire

À Montréal, une cinquantaine de personnes représentant organismes ou opinion personnelle prendront la parole, en plus des périodes de discussion. L'AFEAS Montréal-Laurentides-Outaouais sera du nombre, de même que l'Association des retraités des secteurs public et parapublic. Y prendront part également des représentants de conseils catholiques, du personnel soignant, des infirmières, des médecins et des professeurs.

Outre la délicate question du suicide assisté, légal dans certains pays d'Europe, la qualité et l'offre de services publics des soins palliatifs au Québec risquent d'occuper une grande part du débat.

Le chef du service des soins palliatifs au CHUM, le Dr Patrick Vinay, qui ne cache pas sa position contre l'euthanasie, estime qu'on met la «charrue avant les boeufs» en abordant ce débat. Selon lui, il faut mettre des énergies pour faire progresser les soins palliatifs à domicile, déficients au Québec. Actuellement, il n'y a que 600 lits en soins palliatifs au Québec, dont 13 au CHUM, où 400 personnes y finissent leurs jours chaque année.

«À l'heure actuelle, des patients de l'est de Montréal doivent être transférés dans des centres de l'Ouest parce qu'il n'y a pas les services, explique-t-il. Ceux qui sont chez nous sont chanceux, ils sont entourés, guidés pour apprivoiser la mort, faire leur deuil. Les gens ont droit aux soins adéquats. Et il est possible de le faire en accompagnant les malades et leur famille sans traumatiser celle-ci comme si elle revenait de la guerre.»

Tout ce débat sur la fin de vie a pris racine à l'automne 2008, quand le Collège des médecins du Québec a rendu public un rapport émanant d'un groupe de travail en éthique clinique. Les experts en étaient venus à la conclusion «que pour les médecins, la première chose à éviter est le déni. Qu'il faudrait reconnaître qu'il existe des situations exceptionnelles où l'euthanasie pourrait être considérée comme une étape ultime de soins et permettre aux médecins d'assumer leurs responsabilités dans ces situations.»

À la fin de la tournée québécoise, un rapport sera déposé à l'Assemblée nationale, dont les députés s'étaient prononcés à l'unanimité en faveur de la tenue de cette commission parlementaire, l'hiver dernier. Ce rapport pourrait offrir des pistes de solution afin de modifier la Loi sur la santé et les services sociaux en donnant à l'euthanasie, qui demeure néanmoins de compétence fédérale, le statut de soins de fin de vie.

Dans le milieu de la santé, les intervenants en faveur de l'euthanasie estiment que le pays pourrait s'inspirer de l'avortement, alors qu'avant d'être légalisé dans certaines circonstances, en 1969, on conseillait de ne pas poursuivre systématiquement les médecins qui le pratiquait.