Les dérapages possibles ont occupé une bonne part de la deuxième journée des débats de la Commission sur le droit de mourir dans la dignité, mercredi, à Montréal. Tandis que les tenants de l'euthanasie ont parlé de la montée de pratiques clandestines, les groupes qui s'y opposent ont prévenu que la légalisation ouvrirait la porte à des abus et à des injustices qui ne pourront être prévenues, même avec des balises.

La porte-parole de l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité, Hélène Bolduc, a affirmé que l'euthanasie clandestine n'est pas quantifiable, puisqu'elle est pratiquée dans le silence, mais que le phénomène est bien réel.

«Les moyens sont là, les médicaments sont en quantité suffisante à la maison et prescrits par les médecins, a expliqué Mme Bolduc. Ce qu'on entend dans le milieu, nous, ce sont des paroles du genre: «Moi, je vais me débrouiller en temps et lieu pour mettre fin à mes souffrances.»»

Mme Bolduc a aussi tracé un parallèle entre l'avortement et l'euthanasie pour étayer sa position: «Il ne nous viendrait pas à l'idée de demander à un prêtre de nous avorter. De même, il ne faut pas s'étonner si des médecins s'opposent à l'euthanasie.»

Dans la même veine, Sara Susan Raphals, une dame de 89 ans accompagnée de son fils, a soutenu qu'elle connaît six personnes, dont son mari, qui ont elles-mêmes mis fin à leur vie faute de moyen légal. «Mon mari souffrait affreusement de la maladie de Parkinson, a-t-elle raconté. Je ne peux pas le blâmer, il souffrait énormément. Il a pris des pilules pour dormir afin d'abréger ses souffrances. Il est question ici de dignité humaine, de responsabilité sur sa vie.»

»Il ne faut pas céder à l'émotion»

En après-midi, médecins, spécialistes et infirmières ont vivement plaidé contre toute forme d'euthanasie ou de suicide assisté. Le Dr Joseph Ayoub, oncologue et médecin en soins palliatifs au CHUM, a remis en question une enquête interne de la Fédération des médecins spécialistes (FMSQ) selon laquelle 75% de ses membres actifs sont en faveur de l'euthanasie. Il a signalé que seulement 20% (soit 2025 des 8717 membres) ont répondu au sondage.

Appuyé par la signature d'une centaine de médecins, le Dr Ayoub a soutenu que le «médecin a toujours le devoir de faire mourir la douleur, et non pas de faire mourir le patient. Il y a même la sédation palliative pour les pires douleurs. Mais avant tout, a-t-il ajouté, la solution demeure dans l'approche palliative compétente, le respect, l'accompagnement et la tendresse envers ces personnes.»

La Dre Caroline Girouard, oncologue à l'hôpital du Sacré-Coeur, a pour sa part déploré la «désinformation et la confusion» qui émanent des témoignages des gens touchés directement. Même si elle a fait face à de nombreuses demandes d'arrêt de traitement au cours de ses 17 ans de pratique, elle soutient qu'elle n'a jamais eu de demande ferme d'euthanasie.

«Il ne faut pas céder à l'émotion, a-t-elle prévenu. L'euthanasie peut être tragique, mais tragique dans le sens le plus négatif du terme.» Elle a ajouté que des analyses ont démontré que des euthanasies ont été pratiquées sans consentement aux Pays-Bas.

Son témoignage a donné lieu à un échange musclé avec le député de Mercier, Amir Khadir, qui a demandé aux professionnels si la «triple morphine, qui tue», ne serait pas de toute façon une forme d'euthanasie. Il a précisé que les sondages auprès des médecins et des spécialistes ont démontré, par une forte proportion, qu'une forme de mort assistée est déjà pratiquée dans les hôpitaux.