La Loi sur la santé et les services sociaux prévoit que tout propriétaire de résidence privée pour aînés est «passible d'une amende d'au moins 150$ et d'au plus 2250$ pour chaque jour où il est ouvert sans certification». Mais jusqu'à maintenant, aucune amende n'a été distribuée au Québec, a appris La Presse. Car la loi est difficilement applicable.

«La seule façon de s'assurer qu'une résidence est ouverte sans permis, c'est de s'y rendre tous les jours et de faire un constat. On n'a pas les ressources pour faire ça. Et je me suis renseignée auprès du ministère de la Justice: si on fait ça, la résidence peut nous accuser de harcèlement», dit Carole Labelle, coordonnatrice interrégionale de la certification des résidences privées pour personnes âgées de Laval, Laurentides, Lanaudière. Selon elle, aucune amende ne sera jamais distribuée au Québec à moins de changements majeurs.

Le directeur des personnes âgées en perte d'autonomie au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), Christian Gagné, se contente de dire qu'il ne possède «pas de statistiques» sur le nombre d'amendes distribuées jusqu'à maintenant. «La Sécurité publique travaille là-dessus, déclare-t-il. On va renforcer les amendes, ça, c'est sûr.»

Processus souple

Le processus de certification d'une résidence privée pour aînés débute avec la visite d'un vérificateur du Conseil québécois d'agrément (CQA), organisme indépendant qui s'assure que les 26 critères sociosanitaires de certification sont respectés. Un rapport est ensuite envoyé à l'agence de la santé et des services sociaux locale, qui s'occupe du suivi.

Mais comme l'a constaté La Presse, le processus de certification est fort souple. Les agences accordent plusieurs mois de délais aux résidences pour se conformer.

Par exemple, la résidence Côte-des-Neiges à Montréal a reçu la visite initiale du CQA en novembre 2008. L'établissement, qui héberge neuf résidants, n'est toujours pas certifié. Mais aucune mesure de redressement n'a encore été prise.

Une fois les délais expirés, la résidence Côte-des-Neiges a reçu un avis de non-certification. Elle a contesté cette décision devant le Tribunal administratif du Québec (TAQ) et son audience est prévue pour décembre. Entre-temps, la résidence est ouverte. «Les propriétaires sont présumés innocents jusqu'à preuve du contraire», explique la porte-parole de l'Agence de Montréal, Chantal Huot.

Le propriétaire de la résidence Côte-des-Neiges, Uva James, assure que même s'il n'est pas certifié, les résidants sont bien traités. «J'ai eu un problème de mauvaise communication avec l'Agence, explique M. James, qui ne parle qu'anglais. Tous les papiers qu'on m'envoyait étaient en français. J'ai mal compris certaines dates. On m'a dit que je ne suis pas conforme. Mais je vous invite à venir ici. Tout est conforme.»

M. James dit que les problèmes notés lors de la visite initiale du CQA ont été réglés. «Je n'ai jamais eu de plainte de la part des résidants», dit-il.

Pas assez exigeant?

Le vice-président de la région de Montréal à la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), Jean-Philippe Grad, croit pour sa part que le processus de certification est trop permissif. La preuve: aucune résidence privée pour aînés n'a encore été fermée à Montréal.

La directrice générale adjointe de l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, Louise Massicotte, soutient que la majorité des propriétaires sont de bonne foi. Elle explique que l'Agence «chemine tranquillement», avec eux. «Jamais on ne certifie une résidence qui ne mérite pas de l'être», assure-t-elle.

Yves Desjardins ne croit pas que le processus de certification soit trop souple. «Si on fermait toutes les résidences non certifiées dès aujourd'hui, où iraient tous ces aînés? Les personnes âgées ne sont pas en danger actuellement dans les résidences non certifiées. Il faut juste laisser le temps au processus de se perfectionner», plaide-t-il.

M. Gagné soutient pour sa part que le Québec est la première province canadienne à se doter d'un processus de certification. «Et environ 85% des résidences sont certifiées. Il nous reste les cas complexes à régler», dit-il.

Mais selon la présidente de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), Francine Lévesque, il est clair que le processus de certification des résidences privées pour aînés est «entaché de complaisance». «Ce n'est pas assez exigeant. On donne plein de délais aux promoteurs privés, dénonce-t-elle. Je pense que le gouvernement ne veut pas être trop sévère, parce qu'il ne veut pas fermer ces établissements et être obligé de s'occuper de cette clientèle ensuite.»