Pendant que la qualité des services offerts aux aînés suscite des inquiétudes, Québec diminue les inspections dans les CHSLD et n'en prévoit aucune dans les résidences privées, dénonce la protectrice du citoyen, Raymonde Saint-Germain.

Selon elle, le processus de certification des établissements privés - qui connaît toujours du retard - n'a aucun sens si l'on ne s'assure pas de la qualité des services.

Remis à l'Assemblée nationale jeudi, le rapport annuel de la protectrice du citoyen plonge le gouvernement Charest dans l'embarras. Mme Saint-Germain révèle cette année encore de nombreuses lacunes dans les services d'hébergement pour personnes âgées. Elle reproche au ministère de la Santé et des Services sociaux de ne pas avoir mis en oeuvre plusieurs de ses recommandations. Pourtant, trois ministres sont responsables du dossier depuis 2008: Yves Bolduc, Marguerite Blais, responsable des aînés, et Dominique Vien, qui a succédé à Lise Thériault au mois d'août à titre de ministre déléguée aux Services sociaux.

Au 31 mars 2010, environ 20% des 2200 résidences privées pour aînés n'étaient toujours pas certifiées, signale le rapport. Le Ministère estime maintenant qu'il y en a 17%. Or, selon le plan initial du gouvernement, toutes les résidences devaient avoir obtenu leur certification avant le 30 juin 2009.

Certifications suspicieuses

Raymond Saint-Germain trouve par ailleurs suspecte la hausse soudaine du nombre d'établissements certifiés. La Presse a révélé le mois dernier que Québec avait assoupli ses normes. La protectrice du citoyen entend vérifier «si le rythme a progressé au détriment d'une qualité dans la certification».

Ses inquiétudes sont d'autant plus grandes que les plaintes sur la qualité des services sont en hausse. «Tant que le processus de certification n'est pas complété, il n'y a aucune assurance de conformité aux critères sociosanitaires contribuant à garantir la sécurité dans les services», dit le rapport.

Raymonde Saint-Germain juge «indispensable» que le Ministère intègre les résidences privées dans ses «visites d'appréciation de la qualité», qui devraient comprendre des «indicateurs fiables». «C'est à ce prix seulement que l'on pourra assurer aux personnes âgées des conditions de vie que chacun de nous souhaiterait pour ses propres parents», a-t-elle dit en conférence de presse.

«Ce qui me préoccupe, c'est qu'il n'est pas prévu qu'il y aura d'inspection. Il est prévu une certification, mais pas d'inspection. À mon avis, c'est vraiment ne pas terminer le processus de la qualité. L'un ne doit pas aller sans l'autre.»

Le ministère de la Santé et des Services sociaux a fait savoir à Mme Saint-Germain que sa recommandation est «peu réaliste, compte tenu des ressources très importantes que son implantation exigerait».

Six inspecteurs au Québec

À l'heure actuelle, seuls les CHSLD font l'objet d'inspections. Et encore, Raymonde Saint-Germain se dit «très déçue» de la baisse du nombre de visites planifiées chaque année. «Le Ministère avait une cible de 12% (des CHSLD). Il nous indique qu'elle est maintenant à 10%. C'est trop peu.» Il y a un an, Mme Saint-Germain avait recommandé une hausse des inspections. Certaines devraient être «non annoncées»; or, Québec prévient toujours les établissements 48 heures à l'avance. Selon le Ministère, une seule équipe de six experts fait les inspections dans tout le Québec.

Dans son rapport, la protectrice du citoyen constate que des établissements, tant privés que publics, donnent des services inadéquats en matière d'hygiène et d'alimentation. En résumé, l'organisation du travail des employés prime bien souvent les besoins des aînés. «Il faut inverser ça. Ce n'est pas d'abord la commodité administrative, c'est le service aux citoyens vulnérables selon leurs besoins et au meilleur de notre capacité», a dit Mme Saint-Germain.

Les exemples malheureux sont nombreux. Des patients sont réveillés dès 5h30 pour la toilette matinale parce que ce moment convient mieux aux employés; les repas sont donnés à toute vitesse; des patients se voient imposer le port d'une culotte d'aisance faute de temps pour les accompagner aux toilettes; d'autres sont confinés à leur chambre toute la journée; des personnes lucides à mobilité réduite se retrouvent avec d'autres qui souffrent de «pertes cognitives» et de «troubles d'errance invasive»...