Président du Collège des médecins depuis 12 ans, le docteur Yves Lamontagne cédera après avoir vu passer cinq ministres de la Santé et après avoir vu le CHUM changer bien des fois d'adresse avant même de naître. De l'espoir pour la suite des choses, Dr Lamontagne?

Quelque chose s'est-il amélioré dans le secteur de la santé, en 12 ans? Yves Lamontagne cherche, sourit puis dit qu'il n'est pas certain de trouver. Ça y est, il y est. Le désengorgement des urgences, peut-être?

Le CHUM, il n'est toujours pas certain de le voir avant de manger les pissenlits par la racine, comme il l'a déjà déclaré. «C'est prévu pour quand, déjà? 2022? Alors, je ne change pas d'idée! Pas sûr que je serai toujours de ce monde!»

S'il a du mal à relever de bonnes décisions prises dans le réseau de la santé au cours des dernières années, il n'a aucune difficulté à énumérer ce qui ne tourne pas rond, à commencer par cette machine sclérosée au possible par une lourde bureaucratie. «Si on prend juste l'organigramme du ministère de la Santé, ça n'entre pas dans une feuille huit et demie par onze! En fait, ça n'entre même pas dans le photocopieur!»

Cette hiérarchie à n'en plus finir l'irrite beaucoup. Tout comme de constater la vocation toute relative de certains médecins. Comme celle de cette jeune fille qui n'avait même pas encore son diplôme que, déjà, elle jetait les bases d'une pratique faite pour beaucoup d'injections de Botox. «Je lui ai dit: la société vous a payé des études de médecine et vous, vous allez faire de l'esthétique?»

De la même façon, le Dr Lamontagne fulmine de voir des universités former des médecins qui ont tôt fait de mettre les voiles ailleurs. À son avis, «tout médecin dont les études ont été payées par le système devrait obligatoirement pratiquer quatre ou cinq ans au Québec, à défaut de quoi il devrait rembourser l'équivalent de ce qu'il en a coûté pour le former».

Oui au privé... en partie

La médecine privée, il y consentirait, avec réserve. «Actuellement, tout médecin est obligé d'être à 100% dans le privé ou à 100% dans le public. Moi, ce que je favoriserais, c'est que chaque médecin soit obligé de faire 40 heures dans le secteur public. Au-delà de ces 40 heures, le médecin pourrait faire ce qu'il veut.»

Non, le privé, il n'y est pas opposé et il croit qu'il faut cesser de croire en «l'État père Noël». «Ça me rappelle cette fois où le ministère de la Santé a reproché à un hôpital d'avoir loué son sous-sol pour le tournage d'un film. Pourquoi décourager l'entrepreneuriat?»

Aussi, «pourquoi, le soir, ne loue-t-on pas les locaux inoccupés des hôpitaux à des ophtalmologistes qui font du laser» au lieu de les obliger à s'équiper à grands frais?

Le CHUM? Ah, le CHUM. Il l'aurait bâti sur un seul terrain. Anglophones et francophones réunis. Il l'a affirmé en commission parlementaire, et, dit-il, il a presque été crucifié sur place. Il y a de ces choses qu'il ne faut pas dire...

Ses ministres de la Santé préférés demeurent les médecins: Philippe Couillard et Yves Bolduc. Bien sûr, eux aussi faisaient de la politique, bien sûr, eux aussi devaient se préoccuper d'élections et de réélections, mais au moins, il y avait, à la base, ce langage commun, cette connaissance intime du réseau, souligne-t-il.

Examen de conscience

S'il critique l'évolution du système de santé, Yves Lamontagne ne néglige pas de faire son examen de conscience. En entrevue, il arrivera avec sa liste de bons et de mauvais coups. Il dira par exemple qu'il aurait voulu réussir à faire avancer davantage le dossier des infirmières spécialisées, les rendre aptes plus rapidement à faire des gestes autrefois réservés aux médecins. Les infirmières pourraient avoir une plus grande latitude, tout comme les pharmaciens ou les inhalothérapeutes.

Il se dit par ailleurs content que le Collège, sous son règne, se soit davantage ouvert au public. Content aussi que les médecins étrangers, après cinq ans d'exercice en vertu d'un permis restrictif, obtiennent un permis régulier. Content également des ententes qui permettent aux médecins ontariens ou québécois de travailler pour une province ou une autre.

Yves Lamontagne, donc, part. Ses projets? À 69 ans, difficile de replonger dans la psychiatrie. Alors qu'il admet que l'idée de la retraite lui avait longtemps donné le vertige, il se montre maintenant plus serein: il a déjà des engagements ici et là, dont des collaborations assurées dans des médias. «Eh oui, un autre médecin dans les médias!» laisse-t-il tomber en riant quand on lui fait la remarque.