Une partie de bras de fer est actuellement en cours entre le ministre de la Santé, Yves Bolduc, et l'industrie des médicaments génériques. Situation inusitée, le gouvernement n'a pu publier comme d'habitude, le 1er octobre, la liste révisée des médicaments approuvés par la Régie de l'assurance maladie du Québec à cause des pressions exercées par les pharmaceutiques.

«Il y a des discussions en cours avec l'industrie générique. La publication de la liste se fera dans les prochaines semaines. C'est un précédent historique. Ce n'est pas souvent qu'on négocie une nouvelle structure de prix», a expliqué hier Karine Rivard, porte-parole du ministre Bolduc.

Elle refuse de commenter quand on lui rapporte que les sociétés qui fabriquent les génériques ont exercé une énorme pression en menaçant de «délister» beaucoup de produits, ce qui aurait fait grimper la facture du gouvernement - il n'y aurait plus eu de solution de rechange au produit breveté.

Il y a eu une rencontre la semaine dernière entre les gens de l'industrie et les dirigeants du Ministère.

Des sources fiables du côté de l'industrie ont indiqué hier à La Presse que le ministère de la Santé est coincé par la formulation de sa politique du médicament. La position transposée en loi, sous Philippe Couillard, n'est pas impérative quand on précise que le Québec veut avoir l'assurance de payer «le prix le plus bas» du pays. Québec pourrait engager une bagarre judiciaire mais n'a pas le goût d'attendre plusieurs années.

Aussi, le secteur des médicaments génériques n'a pas encore digéré la décision annoncée par le ministre Bolduc en juin dernier. Les manufacturiers devaient selon cette décision produire leur liste de prix révisés à la baisse pour la fin juillet. Deux mois plus tard, on discute encore.

Le ministre était alors exposé aux pressions de Québec solidaire et d'Amir Khadir, qui avait mis en relief les ententes secrètes entre les firmes et le gouvernement ontarien. M. Bolduc avait décrété que Québec imposerait une réduction de prix pour continuer à payer «le prix le plus bas du pays» comme convenu avec les sociétés pharmaceutiques.

Au Québec, le prix des génériques est de 54% du prix des médicaments brevetés. M. Bolduc voulait le ramener subitement à 25% des produits brevetés comme en Ontario. Ce rabais présente une économie annuelle de plus de 300 millions de dollars pour le gouvernement, un gain que Québec comptait faire rapidement.

Mais pour compenser les ristournes que veulent continuer d'obtenir les pharmacies, le gouvernement avait réduit son appétit. Le ministre Bolduc avait plutôt parlé de 164 millions d'économies annuelles en juin dernier.

Dès son annonce, l'industrie avait décrié la décision «unilatérale et brutale» du ministre Bolduc. En dehors de cet objectif d'économie, le ministre Bolduc et son ministère n'ont pas fourni de détails sur les modalités de l'application de cette décision.

Il est difficile de comparer la situation au Québec et en Ontario, fait-on valoir dans l'industrie. En Ontario, les prix au public et au privé ne sont pas les mêmes. Réduire à 25% signifie des coupes plus sévères au Québec qu'en Ontario. En incluant le prix payé par les assurances privées, le prix moyen des génériques en Ontario est de 37% du prix du produit original.

En Ontario, en outre, la baisse des prix s'échelonne sur trois ans.