«Odieuses, majeures et inhumaines.» C'est ainsi que la Dre Marie-Claude Goulet, urgentologue au Centre hospitalier de l'Université de Montréal, qualifie les réductions de services qui seront appliquées très bientôt par le centre de santé et de services sociaux (CSSS) Jeanne-Mance, qui dessert la population du centre-ville de Montréal. Aux prises avec un déficit de 7,5 millions, l'établissement a présenté un plan de redressement dans lequel il s'engage notamment à faire des coupes de 3 millions de dollars dans les centres d'hébergement et de 1,5 million dans les soins à domicile.

«Ces coupes auront nécessairement des conséquences sur la population. On touche l'une des clientèles les plus défavorisées de Montréal. Environ 45% vivent sous le seuil de pauvreté. Le gouvernement n'arrête pas de dire que, pour diminuer les coûts du réseau de la santé, il faut investir en prévention et en soins de première ligne. Il fait exactement le contraire, ici, dénonce la Dre Goulet. On va voir une hausse des visites aux urgences et des hospitalisations.»

Le président du syndicat des employés du CSSS Jeanne-Mance (CSN), Gilbert Binette, demande un moratoire sur le plan de redressement. Il a d'ailleurs lancé une pétition en ce sens. Le député de Québec solidaire, le Dr Amir Khadir, l'appuie: «Il y aura des coupes dans les soins à la population, a-t-il dit. Par exemple, on n'offrira plus d'accompagnement aux emplettes aux aînés. Comme médecin, je vois dans ma pratique que la nutrition des personnes âgées, c'est très important. Ça peut éviter des complications et des soins médicaux.»

Nivellement par le bas

Selon M. Binette, l'une des raisons invoquées pour réduire les services au CSSS Jeanne-Mance est que le taux de réponse aux besoins de la clientèle y est de 92%, alors que la moyenne montréalaise est de 77%. «On nous a demandé de diminuer notre taux de réponse à 82%», explique-t-il.

«C'est du nivellement par le bas, estime le Dr Khadir. C'est absurde. Les administrateurs du réseau de la santé n'ont pas à accepter ça. Le ministre de la Santé doit justifier sa décision de ne pas répondre à tous les besoins de la population.»

Au cabinet du ministre de la Santé, Yves Bolduc, on assure que le gouvernement ne fixe aucun taux de réponse aux besoins. «Dès que c'est supérieur à 80%, c'est excellent. Mais quel sera le taux de réponse au CSSS Jeanne-Mance après les coupes? On ne peut le dire. Le plan de redressement a été approuvé. On nous assure que les services resteront supérieurs ou équivalents à ce qu'il y avait», a dit l'attachée de presse de M. Bolduc, Karine Rivard.

La directrice générale du CSSS Jeanne-Mance, Sylvie Simard, reconnaît que l'établissement est dans une «situation budgétaire difficile»: «Oui, on abolira certaines activités. On cessera notamment la cuisine communautaire le week-end et la popote roulante. Mais on va trouver des solutions de rechange.»

Les citoyens ne sont pas rassurés pour autant. Le 18 octobre, le comité des usagers du CSSS Jeanne-Mance a écrit au ministre Bolduc pour dire qu'il «ne cautionne nullement le plan de redressement du CSSS.» Selon le comité, «une multitude de services cesseront d'être offerts» et «laisseront, une fois de plus, les usagers dans l'incertitude et sans réponse».

Mme Simard assure que, malgré les coupes, «personne ne sera laissé pour compte».