Le gouvernement Charest maintient sa décision de construire le nouveau CHUM en partenariat avec le secteur privé. Après avoir réévalué le bien-fondé du recours au PPP, un comité d'experts indépendants - et pour le moment anonymes - a produit un rapport qui conforte Québec dans sa décision.

Le gouvernement Charest a formé ce comité de «revue diligente» plus tôt cet automne à la suite d'un rapport percutant du vérificateur général, Renaud Lachance, selon qui Québec s'était fondé sur des données et des hypothèses erronées pour choisir la formule du PPP.

Le rapport du comité d'experts dissipe les doutes soulevés par le vérificateur général, estime la présidente du Conseil du Trésor, Michelle Courchesne, qui s'est dite «rassurée».

«Le rapport est suffisamment éloquent pour confirmer le fait que c'est une bonne décision d'aller en PPP», a-t-elle confié à La Presse, mardi.

La ministre n'a toutefois pas en main le rapport définitif; elle le recevra sous peu. Elle a eu vent des conclusions du comité à la suite d'»échanges» avec le PDG d'Infrastructure Québec, Normand Bergeron. L'organisme étudie le rapport en ce moment.

Michelle Courchesne a refusé de dire qui sont les «experts indépendants» que le Conseil du Trésor a sélectionnés pour réviser tout le dossier. L'information sera rendue publique éventuellement, s'est-elle contentée de dire. Peu avant la formation du comité, le secrétaire général du Conseil du Trésor, Denys Jean, avait dit vouloir «s'assurer de l'absence de tout conflit d'intérêts réel ou apparent».

La ministre Courchesne n'a pas voulu préciser si le comité d'experts confirme que le PPP permettra de réaliser des économies par rapport au mode de construction traditionnel. Elle veut recevoir le rapport avant de le commenter.

Au mois de juin, le vérificateur général avait affirmé que les évaluations soumises au gouvernement pour retenir le PPP «ne permettent toujours pas de conclure que ce mode est plus économique qu'une réalisation en mode traditionnel par le secteur public». Il a jugé erronées les données utilisées pour évaluer le coût d'entretien d'un CHUM construit par l'État seul. Une dévaluation de 20% - l'»indice de vétusté» - avait été fixée dès la première année de la mise en service de l'hôpital, ce qui est «impossible», selon Renaud Lachance. Le déficit d'entretien atteindrait 66% au bout de 30 ans, ajoutait-on, une autre évaluation que M. Lachance a jugée irréaliste. Selon lui, Infrastructure Québec utilisait un taux d'actualisation (c'est-à-dire la valeur dans quelques années d'un dollar dépensé aujourd'hui) de 8%, alors que celui généralement utilisé est de 6,5%. Bref, les données utilisées avaient tendance à désavantager le mode traditionnel par rapport au PPP.

Selon ce qu'a appris La Presse, la dernière réunion de l'année du conseil d'administration du CHUM, qui devait avoir lieu mardi soir, a été annulée. Il devait pourtant s'agir d'une rencontre déterminante pour les destinées du pôle hospitalier francophone au centre-ville de Montréal.

Il a été impossible de recueillir la réaction du directeur général du CHUM, concernant la décision du gouvernement de garder le cap sur la formule en PPP. À la direction des communications, on a expliqué que Christian Paire était à Lyon, aux assises nationales hospitalo-universitaires.

Interrogé à ce sujet il y a deux semaines, Christian Paire avait déclaré qu'il était littéralement «obsédé» par le calendrier de construction. «La construction du nouveau pavillon de la santé doit absolument démarrer au printemps 2011. Pour l'instant, rien n'est changé dans les calendriers. Mais il est clair que, si on devait changer de mode de construction (PPP), il y aurait un effet», avait-il dit, sans se prononcer pour une formule plutôt que l'autre.

Bien que le début des travaux soit prévu pour le printemps 2011, les deux consortiums retenus pour construire le pavillon principal à l'emplacement actuel de l'hôpital Saint-Luc n'ont toujours pas fait leurs propositions techniques et financières. Selon nos sources, Accès Santé et Innisfree-Axor-OHL-Dalkia auraient de la difficulté à produire un plan qui respecte le cadre budgétaire. Ces délais, ajoutés au temps nécessaire à l'obtention des permis de démolir et de construire, pourraient repousser le début des travaux.

Mais selon Michelle Courchesne, l'échéancier du projet sera respecté. Les deux consortiums présenteront leurs propositions d'ici à la fin de l'année et le gouvernement choisira le soumissionnaire gagnant au début de l'an prochain.

Jusqu'à maintenant, l'augmentation des coûts du CHUM au centre-ville est surtout imputable au centre de recherche, construit en PPP. Initialement, sa construction aux abords du Vieux-Montréal devait coûter 320 millions, mais la facture a grimpé à une valeur nette de 470 millions en janvier dernier. Avec ces ajustements, tout le projet du CHUM au centre-ville est passé de 1,518 à 2,575 milliards en quatre ans, soit une hausse de 1,057 milliard depuis 2006. Au mois de septembre, le directeur du projet, Clermont Gignac, avait été incapable de garantir que la facture ne gonflerait pas encore.

En ce qui concerne le futur pavillon, les dernières prévisions présentées par le ministère de la Santé, en mars 2009, concluaient que la construction en PPP devait coûter 861 millions, à comparer à 1,577 milliard en mode conventionnel.

À la réunion du conseil d'administration du CHUM du mois de septembre, le directeur général, Christian Paire, avait par ailleurs annoncé qu'une firme-conseil serait mandatée pour l'épauler dans la mise au point d'un plan stratégique afin de revoir de fond en comble le plan de soins du CHUM. Cette firme n'a pas encore été mandatée.

Aux prises avec un déficit appréhendé de 11,2 millions au dernier trimestre, le CHUM attend toujours 10 millions de la part de l'Agence de la santé et des services sociaux pour équilibrer son budget. M. Paire entend demander au gouvernement du «financement à l'acte» pour équilibrer les finances.