Des Québécois meurent inutilement du cancer chaque année parce que le gouvernement leur refuse l'accès à des médicaments de pointe, pourtant remboursés ailleurs au Canada.

C'est ce qu'a dénoncé mercredi la Coalition Priorité cancer, qui parle d'une véritable dégringolade quant au nombre de nouveaux traitements en oncologie couverts par le gouvernement. «En cinq ans, le Québec est passé du statut de chef de file au Canada à l'un des pires exemples. Il occupe maintenant le huitième rang sur dix provinces», a précisé mercredi le président de la Coalition, le Dr Pierre Audet-Lapointe, lors d'une conférence de presse tenue à Montréal.

À ses yeux, ce n'est pas un hasard si le Québec a l'un des plus hauts taux de mortalité par cancer au Canada (et dans le monde industrialisé), alors que la Colombie-Britannique - qui rembourse beaucoup plus de médicaments - a le plus bas.

Au Québec, c'est le Conseil du médicament qui décide de la liste des traitements couverts. D'après les calculs de la Coalition, il approuvait 69% des demandes de couverture de traitements anticancéreux en 2007, alors qu'il n'en approuve plus que 20% en 2010. Le processus d'approbation de ces médicaments est très long et, lors des refus, les arguments financiers prennent trop de place, déplore aussi le Dr Audet-Lapointe.

«Des gens meurent», dit-il, puisque la plupart des patients ne peuvent financer eux-mêmes des traitements qui coûtent 30 000$ ou 60 000$ par année. «Pourquoi quelqu'un serait-il pénalisé parce qu'il habite au Québec?»

Les patients atteints d'un cancer rare sont particulièrement défavorisés, estime Nicole Giroux, présidente de l'Association canadienne du cancer du rein. Ce type de cancer ne réagit ni à la chimiothérapie ni à la radiothérapie. Or, des cinq traitements de pointe approuvés par Santé Canada, un seul est remboursé au Québec. «C'est une injustice parce que tous les patients ne réagissent pas aux mêmes médicaments. C'est pourquoi on offre maintenant des traitements très ciblés», affirme l'ancienne productrice de films publicitaires.

Le Conseil a aussi refusé d'ajouter à sa liste le Tykerd, un médicament très efficace lorsqu'un cancer du sein fait des métastases. Officiellement parce qu'il n'y avait pas de résultats scientifiques assez rigoureux, dit le Dr Audet-Lapointe. «Or, ce qui s'est passé, c'est que les patientes réagissaient si bien qu'on a arrêté l'étude pour des raisons éthiques, parce qu'on ne pouvait pas laisser les autres avoir un moins bon taux de survie!»

«Je ne veux pas minimiser le problème des coûts de santé, mais il faut une vue plus globale», argue le médecin. Les dépenses en oncologie demeurent modestes, soit moins de 500 millions, alors que le budget total de la santé et des services sociaux dépasse 27 milliards. C'est peu, dit-il, compte tenu du fait qu'un Québécois sur deux sera touché par cette maladie au cours de sa vie, avec les arrêts de travail, opérations et hospitalisations que cela engendre.

La solution? Dès qu'un médicament contre le cancer est en jeu, le Conseil du médicament devrait se faire conseiller par un comité d'experts en oncologie, réclame le Dr Audet-Lapointe. Cela se fait déjà dans d'autres provinces et aux États-Unis, dit-il. Actuellement, aucun oncologue ne siège au Conseil, alors que le cancer est une maladie extrêmement complexe.

La Coalition réclame la révision des décisions rendues par le Conseil au cours des dernières années. Elle veut aussi que les patients et leurs proches puissent participer aux décisions et qu'on organise un vaste débat public.

Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, a annoncé cette semaine la création d'un groupe de travail chargé de déterminer comment inclure les oncologues dans le processus d'évaluation des médicaments contre le cancer. Le Dr Audet-Lapointe ne se fie toutefois guère à cette initiative, affirmant qu'il est «toujours très difficile de savoir ce que les fonctionnaires veulent dire».

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Nouveaux médicaments soumis pour approbation

Année / Proportion de décisions positives

2007 / 69%

2008 / 25%

2009 / 43%

2010 / Environ 20%

Source : Coalition priorité cancer au Québec