Au cours des dernières années, les conditions de travail des quelque 3200 psychologues du réseau québécois de la santé et de l'éducation se sont détériorées à un point tel que recruter des candidats est plus difficile que jamais et que l'accessibilité de ces services est menacée, selon l'Ordre des psychologues du Québec. Si rien ne change d'ici à l'été, les psychologues du réseau public menacent de ne plus superviser les stages des étudiants, ce qui empêcherait une cohorte complète d'obtenir son diplôme.

«Il y a de plus en plus de postes vacants en psychologie dans le réseau public. Les conditions de travail difficiles repoussent les candidats. Ce n'est pas une simple question de rémunération. L'accessibilité des services est aujourd'hui menacée», affirme le président du Comité des chefs de service de psychologie en milieu hospitalier du Québec, Marcel Courtemanche.

La présidente de l'Ordre des psychologues, Rose-Marie Charest, n'est pas membre du Comité. Elle estime néanmoins «qu'il y a un réel problème» dans le secteur public. De 2004 à 2008, le nombre de postes vacants a plus que doublé dans le réseau de la santé. «Tout ce qui motivait les psychologues à aller dans le réseau public, comme les conditions de travail et la formation continue, a disparu. Ce qui nous inquiète, c'est qu'un jour la profession disparaisse et que seuls les Québécois qui auront de l'argent puissent se payer ces services», dit-elle.

Étudier plus pour moins d'argent

Contrairement à des disciplines comme l'ergothérapie, l'audiologie ou le travail social, dont la pratique n'exige qu'une maîtrise ou un baccalauréat, il faut depuis 2006 avoir un doctorat pour être psychologue au Québec. Les psychologues passent en moyenne cinq ans de plus sur les bancs d'école, et leur carrière débute plus tard. Mais cette situation n'est pas considérée par le réseau public, dénonce M. Courtemanche.

«On a calculé que, après 25 ans de carrière, les psychologues du réseau public auront gagné 500 000$ de moins que plusieurs bacheliers. En étudiant plus longtemps, les dettes s'accumulent, mais pas l'ancienneté. On a un gros retard à rattraper, estime M. Courtemanche. Ce n'est pas étonnant que, dans le réseau, ce soit de plus en plus difficile de pourvoir les postes.»

Renforcer le réseau public

Près de la moitié des psychologues du réseau public travaillent à temps partiel pour pouvoir avoir aussi une clientèle plus payante au privé. «Il faut trouver des solutions pour attirer davantage de candidats au public, retenir ceux qu'on a et encourager les gens à travailler à temps plein», croit M. Courtemanche.

Mme Charest estime quant à elle que la seule façon d'assurer l'accès universel aux soins psychologiques est de renforcer le réseau public: «Des études ont démontré qu'avoir accès à des services de psychologie permet de diminuer les soins de santé, donc de diminuer les coûts. Il faut considérer cela.»

Des moyens de pression

Au printemps dernier, M. Courtemanche a interpellé le gouvernement sur la question, mais il n'a pas obtenu de réponse. Avant Noël, le comité a donc voté pour entreprendre des moyens de pression. À l'été, les psychologues du réseau public continueront de rendre leurs services cliniques, mais tout le reste, dont les fonctions universitaires, cessera, affirme M. Courtemanche. Les stages pourraient donc être annulés.

«Il y a un problème et on veut en discuter, dit M. Courtemanche. On ne veut pas pleurer sur la place publique. Mais on veut expliquer la situation. On espère que ces moyens vont réveiller des gens qui ne semblent pas comprendre actuellement.»

Au ministère de la Santé, on explique qu'une rencontre avec les psychologues est prévue la semaine prochaine.