Le prochain plan d'effectifs médicaux que publiera le ministère de la Santé du Québec d'ici quelques jours prévoit un nombre insuffisant de postes en obstétrique-gynécologie, ce qui pourrait plonger la province dans une crise sans précédent, prévient le président de l'Association des obstétriciens-gynécologues du Québec, le Dr Robert Sabbah.

De 2005 à 2009, le nombre d'accouchements a augmenté de 15 % à 30 % dans tous les hôpitaux de la grande région montréalaise. Comme l'a révélé La Presse dans un dossier publié au mois de novembre, les femmes enceintes ont de plus en plus de mal à obtenir un suivi de grossesse parce qu'on manque d'obstétriciens. «Tous les jours, on a des patientes qui accouchent sans avoir eu de suivi de grossesse. On ne voyait pas ça il y a 15 ans», témoigne le Dr Sabbah.

Les spécialistes sont si débordés par les accouchements qu'ils délaissent la pratique de la gynécologie. Conséquence: les femmes atteintes de cancers gynécologiques doivent patienter plusieurs mois avant de voir un spécialiste. «On vit une crise en obstétrique-gynécologie. On estime qu'il manque déjà environ 50 postes», dit le Dr Sabbah.

Les données les plus récentes de l'Institut de la statistique du Québec montrent que le nombre de naissances se stabilise. Mais le Dr Sabbah croit que cette accalmie sera de courte durée en raison de la décision du gouvernement de rembourser les traitements de fécondation in vitro. Selon lui, les 3500 traitements prévus annuellement engendreront jusqu'à 1000 accouchements de plus, dont plusieurs à risque de complications. «On nous avait promis plus de ressources avec le programme de procréation médicalement assistée. Mais on n'a rien eu», déplore le Dr Sabbah.

À cela s'ajoute le fait que, dans 5 ans, 100 obstétriciens-gynécologues québécois auront pris leur retraite. Pour le Dr Sabbah, le plan quinquennal d'effectifs médicaux que le ministère de la Santé

présentera d'ici au mois de février ne permettra pas de compenser cette baisse et de répondre à la pénurie actuelle.

Selon lui, il faut créer plus de postes, sans quoi la pénurie va littéralement exploser. «On a déjà quatre fellows qui terminent leur surspécialité en gynécologie à l'étranger et qui veulent revenir ici, mais qui n'ont pas de poste. C'est illogique», critique-t-il.

Un effectif vieillissant

Le manque de ressources en obstétrique est décrié depuis plusieurs années. Et le phénomène ne cesse de s'accentuer, car les 417 obstétriciens de la province vieillissent. La moitié d'entre eux ont plus de 50 ans et veulent ralentir leur pratique. «Mais ils ne peuvent pas. La pression est trop forte», note le Dr Sabbah.

La profession est difficile, car les gardes sont nombreuses. Les nouveaux

obstétriciens-gynécologues, souvent de jeunes mères de famille, souhaitent avoir une pratique plus humaine, loin des 80 heures par semaine que font actuellement plusieurs obstétriciens.

L'Association des ob­stétriciens-gynécologues a plusieurs solutions pour le ministère.

«Mais on ne nous a pas consultés, dénonce le Dr Sabbah. On devrait par exemple permettre la création de demi-postes.» Les obstétriciens à la veille de la retraite et les nouvelles mères pourraient ainsi alléger leur pratique en se partageant un poste.

Le Dr Sabbah ne comprend pas la réticence du gouvernement à aider sa spécialité. Il reconnaît qu'une femme enceinte sans suivi de grossesse, «c'est pas mal moins sensationnaliste que des urgences qui débordent». «Mais une femme qui meurt d'un cancer gynécologique parce qu'elle n'a pas été vue à temps, c'est tragique, dit-il. La santé de la femme, c'est le parent pauvre de la médecine, actuellement.»