Le gouvernement du Québec n'a pas l'intention de créer un centre d'hébergement en santé mentale d'une centaine de lits à Montréal, comme le réclament les gestionnaires de trois grands hôpitaux de la métropole. Après avoir retiré des milliers de malades mentaux des institutions psychiatriques de la province, pas question de renverser la vapeur.

«On n'ira pas vers ça», a dit hier Caroline Fraser, porte-parole du ministère de la Santé, en réaction à un reportage de La Presse. Des médecins du CHUM, de Maisonneuve-Rosemont et de Louis-H.-LaFontaine disaient s'être résignés au retour à la vie en institution pour une petite proportion de patients, pour qui toutes les tentatives de réadaptation se sont soldées par des échecs.

Fin de non-recevoir

«Le ministère s'en tient à son plan d'action en santé mentale. On ne va pas défaire ce qui a été fait», a dit Mme Fraser. Conscient du fait que ces patients encombrent les lits des hôpitaux et contribuent à la surcharge des urgences, le ministère «encourage son réseau à explorer différentes modalités de services afin de dégager les lits, soit des soins à domicile, des suivis intensifs dans le milieu, des CHSLD et des ressources intermédiaires de type familial».

Le problème, c'est que ces ressources sont insuffisantes. «La désinstitutionnalisation s'est accentuée au cours des dernières années. L'idée, c'est que tous les patients doivent sortir. Mais il y a un peu de pensée magique là-dedans. On n'a pas les moyens de répondre aux demandes du ministère», dit Martine Castonguay, directrice générale de l'Association des ressources intermédiaires d'hébergement du Québec.

«Quand on a sorti les gens des asiles, les psychiatres ont dit qu'il fallait un suivi dans la communauté. Ça n'a pas été fait. Un 24-7, c'est-à-dire une aide offerte en tout temps aux patients, était prévu dans le plan d'action en santé mentale 2005-2010. On l'attend toujours», déplore Johanne Galipeau, chargée de projet d'Action Autonomie, un organisme de défense des personnes aux prises avec des troubles mentaux.

Des réserves

L'organisme a «d'énormes réserves» par rapport au centre d'hébergement que voudraient les gestionnaires hospitaliers de Montréal. «Ce qu'ils nous proposent, c'est un asile, même s'ils s'en défendent, dit Mme Galipeau. Il y a un danger de dérive.»

Mêmes réserves du côté de l'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec. «Ils disent que ce n'est pas un asile, mais une institution de ce genre, c'est le système asilaire. L'approche et les façons de faire seront celles d'une institution», craint la directrice générale, Doris Provencher.

«Pourquoi créer une nouvelle institution alors qu'il existe déjà des résidences intermédiaires pour accueillir les gens qui ont d'énormes limites? Ces gens ne feront jamais leur épicerie, c'est clair, mais ils peuvent aller prendre un café. Dans une institution, ils ne sortiront pas. Ils passeront la journée en pyjama. Ce n'est pas une réponse.»