À l'âge de 1 an, le petit Benjamin avait tendance à fixer constamment les objets tournants. Il ne réagissait pas quand on l'appelait. Après des mois d'attente, le diagnostic est tombé: Benjamin est atteint d'autisme. Il a commencé à recevoir les services d'intervention comportementale intensive (ICI) à l'âge de 3 ans. «Tu as beaucoup d'espoirs quand ça commence. On te montre des films où tu vois des enfants dont la vie a changé grâce à l'ICI. Après un an, j'ai réalisé qu'il y avait très peu de résultats», se souvient la mère de Benjamin, Sophie Bellemare.

Mme Bellemare dit avoir participé à des dizaines de rencontres avec le Centre de réadaptation en déficience intellectuelle. «Au bout de trois ans, mon fils n'était toujours pas propre, il ne comprenait pas le langage, relate-t-elle. Je ne voulais pas qu'il apprenne à lire; je voulais juste des améliorations dans notre qualité de vie.»

Benjamin fréquente aujourd'hui une école spécialisée pour les enfants handicapés. «Que s'est-il passé? Rien. J'ai l'impression qu'on a essayé pendant trois ans de faire entrer un triangle dans un cercle. J'ai cessé de croire à l'ICI», dit Mme Bellemare. Selon elle, les efforts devraient être mis du côté des ressources de répit pour les parents. «C'est ça qui m'a sauvé la vie», dit-elle.

Psychiatre réputé dans le domaine de l'autisme, le Dr Laurent Mottron est plutôt critique quant à l'ICI. Selon lui, aucune étude scientifiquement valable ne permet à ce jour de dire que cette approche est réellement efficace. «Oui, il y a des données issues de différentes recherches. Mais elles sont faibles scientifiquement. Et elles démontrent que l'ICI n'a que des effets très faibles pour un tout petit nombre d'enfants», dit-il.

Le Québec n'a d'ailleurs jamais évalué l'efficacité de cette technique, a constaté La Presse. Une étude longitudinale pour évaluer l'ICI devrait être lancée cette année, selon la porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux, Noémie Vanheuverzwijn.

Le Dr Mottron estime que le Québec a opté pour l'ICI «sous prétexte que c'était la seule méthode efficace», alors que les preuves scientifiques sont faibles. Pour ce spécialiste, «ce n'est pas parce qu'il n'y avait pas d'option à l'ICI qu'il fallait implanter quelque chose qui fonctionne à moitié».

En 2003, le gouvernement a reconnu que «dans l'état actuel des connaissances, il est difficile de déterminer l'approche la plus appropriée» pour aider les enfants TED. Mais il a tout de même décidé d'implanter l'ICI à raison de 20 heures par semaine pour chaque enfant. «Il faut évoluer. Obliger les intervenants à n'utiliser que l'ICI, ça n'a pas de sens», plaide le Dr Mottron.

Fondatrice de la clinique ConsulTED et elle-même autiste, Brigite Harisson critique fortement l'ICI. «C'est vrai qu'avant il n'y avait rien pour les enfants autistes. Mais l'ICI n'aide pas plus! On aide les parents à se sentir mieux en éliminant les comportements dérangeants des autistes. Les enfants sont des rats de laboratoire. On teste l'ICI sur eux sans savoir s'il y a des effets secondaires!» déplore-t-elle.

Chercheuse autiste affiliée à la Clinique spécialisée de l'autisme de l'Université de Montréal, Michelle Dawson est elle aussi critique. «Toutes les études sur l'ICI ont des résultats différents, dit-elle. Et plusieurs études dont les résultats sont positifs sont de piètre qualité. Accepter des recherches de piètre qualité en autisme, ça laisse entendre que les autistes méritent des standards plus bas que les autres. C'est inacceptable.»