Les aînés hébergés au Pavillon Marquette à Montréal étaient dans un état lamentable lorsque le CSSS Jeanne-Mance a fermé la résidence et les a placés ailleurs. Plusieurs étaient affamés et malpropres au point d'avoir des «champignons dans les sous-vêtements». Certains avaient été privés de leurs médicaments, de leur courrier ou même de leurs chèques de pension.

De son côté, le propriétaire du Pavillon Marquette, Déjean Victor, personnalité bien connue dans la communauté haïtienne, aurait fait des «séances de vaudou» pour intimider le personnel du CSSS le jour du déménagement des résidants.

C'est ce qui ressort d'un document du CSSS Jeanne-Mance obtenu par La Presse au sujet de la fermeture, en novembre, du Pavillon Marquette, une résidence privée pour personnes âgées en perte d'autonomie située dans le Plateau-Mont-Royal.

La Presse a révélé la semaine dernière que les services y étaient tellement déficients que le CSSS, dans un geste rare, a résilié son contrat et placé les 14 pensionnaires dans une autre résidence.

Déjà condamné

Déjean Victor est un présumé trafiquant de drogue qui se serait évadé d'une prison de Port-au-Prince le 12 janvier 2010, jour du séisme meurtrier en Haïti. Ses deux compagnies de taxi et lui ont été reconnus coupables de fraude fiscale en juin dernier.

Victor est également propriétaire du Complexe Cristina, qui comprend un centre de banquets et une salle de spectacles. En décembre, la Régie des alcools, des courses et des jeux a suspendu les permis d'alcool de cet établissement de Saint-Léonard parce qu'on y vendait des bouteilles non timbrées. Victor a fait appel de la décision.

Conditions de vie «très difficiles»

Le document révèle des détails sur les «conditions de vie très difficiles» des pensionnaires du Pavillon Marquette, des détails que le CSSS Jeanne-Mance avait refusé de donner à La Presse.

L'histoire est pathétique. À leur arrivée dans leur nouveau centre d'hébergement, plusieurs résidants «ne sont pas propres et dégagent de mauvaises odeurs. La présence de champignons dans les sous-vêtements est notée par le personnel de la résidence», peut-on lire dans le document de cinq pages. Chez un résidant «qui n'a pas été lavé depuis longtemps», un préposé constate «une infection importante à champignons». Une femme a un «prolapsus utérin important» - une descente de l'utérus dans le petit bassin - «qui n'a jamais été signalé par le personnel du Pavillon Marquette à l'infirmière du CSSS affectée à cette ressource».

Le document précise également que les résidants «mangent beaucoup comme s'ils avaient été privés de nourriture en quantité suffisante».

Lors du déménagement, un infirmier découvre qu'une résidante «n'a pas pris ses médicaments durant 26 jours sur 31. Il s'agit d'un médicament important pour réduire l'agitation».

«Le courrier de certains résidants a été retrouvé dans les tiroirs des responsables du Pavillon Marquette par les intervenants du CSSS. Il s'agissait parfois de chèques de pension», ajoute-t-on.

Bref, les résidants «ne recevaient pas les soins et les services requis par leur condition physique et psychologique. Ces situations laissent supposer de la négligence de la part du personnel du Pavillon Marquette».

Le document fait état des «tentatives d'intimidation» de Déjean Victor envers le personnel du CSS lors du déménagement des résidants. «Ce dernier aurait fait des séances de vaudou», déposé de la «poudre brune dans le bureau du personnel». Il aurait fait des «incantations en portant les mains au-dessus de la tête» d'une intervenante. Le CSSS avait prévu le coup et fait appel à des agents de sécurité pour superviser le déménagement des pensionnaires.