La pénurie de médicaments ne cesse de s'accentuer au Québec. En 2008, les pharmaciens ont dû composer 38 fois avec des ruptures de stock. En 2010, c'est arrivé 116 fois - une augmentation de 205%. Selon l'Ordre des pharmaciens du Québec, le Canada doit se doter d'une stratégie nationale pour éviter que la situation ne perdure.

Depuis un an, un nombre croissant de médicaments sont introuvables au Québec. «On avertit la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ) quand il y a des ruptures de stock. Et il y en a de plus en plus. Principalement parce qu'on manque des matières premières pour produire certains médicaments», explique Maggie Charest-Poulin, porte-parole de l'Institut national d'excellence en santé et services sociaux (INESSS), de qui La Presse a obtenu ces données. «La production de médicaments est de plus en plus mondialisée. Le manque de matières premières fait que le monde entier est touché. Et le Québec ne fait pas exception», confirme le directeur des affaires publiques de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, Vincent Forcier.

Les catégories de médicaments qui sont le plus souvent en rupture de stock sont les antidépresseurs, les antihypertenseurs et les antinéoplasiques (utilisés dans les traitements contre le cancer). Ces pénuries forcent les pharmaciens à exécuter de véritables acrobaties pour continuer d'offrir les bons produits à leurs clients.

Par exemple, certains médicaments sont parfois disponibles, mais à faibles doses. «Des personnes doivent alors prendre 20 pilules par jour pour avoir la bonne concentration de médicament», illustre M. Forcier. Les pharmaciens peuvent aussi se tourner vers d'autres produits. Mais ceux-ci peuvent s'avérer moins efficaces. Et avant de changer de médicament, les pharmaciens doivent obtenir l'accord du médecin traitant, ce qui entraîne des délais.

Les pharmaciens peuvent aussi préparer eux-mêmes le produit manquant ou demander à des laboratoires privés de le faire. «Mais pour que ça fonctionne, il faut avoir la matière première, explique M. Forcier. Les ruptures de stock sont de véritables casse-tête pour les pharmaciens.»

La présidente de l'Ordre des pharmaciens du Québec, Diane Lamarre, explique que les pénuries de médicaments entraînent des pertes de temps majeures pour les pharmaciens. «Mais surtout, les clients sont inquiets. Quand on ne peut donner plus de 10 jours de traitement à la fois à quelqu'un, c'est inquiétant», dit-elle.

Lundi, la RAMQ, l'INESSS et les pharmaciens se réuniront pour trouver des solutions. «Ça fait plus d'un an qu'on demande des solutions. On voudrait par exemple mettre sur pied un mécanisme qui nous permettrait de connaître l'état des stocks dans toutes les régions du Québec pour éviter d'avoir à faire des dizaines d'appels avant de trouver les médicaments quand on en manque», note M. Forcier.

Actuellement, les compagnies pharmaceutiques n'ont pas de règles à suivre dans la production de médicaments. «Or, on sait que certains produits sont plus intéressants que d'autres à produire pour les pharmaceutiques. On pourrait adopter des mesures pour forcer les compagnies à produire certaines molécules en priorité. On pourrait dresser une liste des médicaments obligatoires», illustre Mme Lamarre.

Dans un sondage mené en décembre par l'Association canadienne des pharmaciens, 90% des pharmaciens interrogés ont dit avoir noté les effets de la pénurie de médicaments. La même proportion de répondants ont dit avoir déjà noté des répercussions sur les clients.

Ruptures de stock de médicaments au Québec

2008, 38

2009, 63

2010, 116

Données de l'Institut national d'excellence en santé et services sociaux