Plus de 65% des 450 lits de ressources intermédiaires pour personnes âgées qui seront créés à Montréal d'ici à 2012 appartiennent au même promoteur, a appris La Presse. Le groupe immobilier Global a obtenu ou est en voie d'obtenir des contrats d'une valeur de près de 100 millions de dollars pour exploiter 300 lits durant les 10 prochaines années. Cette situation inquiète la Fédération de la santé et des services sociaux.

Au cours des prochains mois, le Groupe immobilier Global, propriété d'Anthony Falvo, de Germina Munteanu et de Vincent Mercadante, ouvrira cinq résidences à Montréal: 2 de 32 lits chacune sur le boulevard de l'Acadie, 1 établissement de 90 lits sur le boulevard Lacordaire, 1 de 44 lits dans le quartier La Petite-Patrie et 1 de près de 100 lits à Montréal-Nord.

Les promoteurs reçoivent en moyenne 35 000$ par année par pensionnaire pour une durée de 10 ans. C'est donc dire que la société de M. Falvo a signé des contrats variant de 11,2 à 35 millions de dollars par résidence, selon le nombre d'occupants.

Malgré la valeur de ces contrats, tous ont été accordés sans appel d'offres, a constaté La Presse. Mais les établissements de M. Falvo ne sont pas les seuls. La loi n'oblige pas les CSSS à procéder par appels d'offres, confirme la porte-parole du ministère de la Santé, Noémie Vanheuverzwijn.

Selon Marie-Claude Prémont, juriste à l'École nationale d'administration publique, les contrats de ressources intermédiaires échappent aux appels d'offres parce que les promoteurs n'ont pas à proposer le prix le plus bas. Les sommes allouées pour chaque pensionnaire sont déterminées par la loi en fonction du degré d'autonomie de chacun.

Puisque le gouvernement veut ouvrir rapidement des lits de ressources intermédiaires, plusieurs CSSS sollicitent directement des promoteurs sur leur territoire pour leur offrir des contrats.

En mai dernier, la présidente de l'Association des ressources intermédiaires d'hébergement du Québec, Martine Castonguay, a dénoncé le peu d'information qui circulait au sujet de l'attribution de ces contrats. Et la situation n'a pas changé. «On demande à connaître l'état des besoins. Il devrait y avoir une banque centralisée pour que tous les promoteurs intéressés puissent se proposer», dit-elle.

Mme Castonguay explique toutefois que construire une ressource intermédiaire est complexe et qu'il est donc normal que les promoteurs expérimentés soient favorisés.

«Nous n'avons pas le monopole»

M. Falvo reconnaît qu'il a certes acquis de l'expertise, mais il assure qu'il n'a pas été favorisé. Il cite le cas de la ressource intermédiaire du boulevard Lacordaire. «Environ une douzaine de promoteurs s'étaient proposés. J'ai remporté le projet parce que ma proposition était plus conforme», dit-il, ce que confirme le CSSS Saint-Léonard-Saint-Michel.

M. Falvo appuie l'idée d'établir une liste centralisée des besoins dans chaque région afin de donner la chance à tous les coureurs. «Des personnes âgées attendent chez elles d'avoir une place d'hébergement, dit-il. Les CSSS nous demandent de construire des ressources intermédiaires qui sont des milieux de vie de qualité. Nous faisons attention à nos résidants. Ils sont bien. Nous n'avons pas le monopole. On nous a proposé d'autres projets, mais nous avons refusé parce que nous étions trop occupés.»

Le promoteur a aussi été invité à commenter le contrat qu'il a obtenu du CSSS Bordeaux-Cartierville-Saint-Laurent pour la résidence du boulevard de l'Acadie. Au départ, il devait y avoir 32 places. En cours de route, M. Falvo et ses associés ont obtenu 32 places supplémentaires, mais M. Falvo explique que c'est à la demande du CSSS.

Des craintes

Yves Lévesque, responsable du secteur des établissements privés et communautaires à la Fédération de la santé et des services sociaux, ne comprend pas qu'un contrat puisse ainsi être changé en cours de route. «Il s'agit d'une dangereuse tendance, qui confirme de surcroît le fait que ces contrats, sauf de très rares exceptions, ne font pas l'objet d'appels d'offres ni d'enquête préalable.»

M. Lévesque juge aussi inquiétant de voir qu'un même promoteur possède 67% des lits de ressource intermédiaire en construction à Montréal. «En possédant plusieurs établissements, un groupe a plus de pouvoir pour négocier des hausses de tarifs. Le gouvernement pourrait se soumettre plus facilement à ses demandes par crainte de perdre plusieurs places d'hébergement pour les aînés», note M. Lévesque.