La moitié des éducatrices en garderie complimentent les enfants qui finissent leur assiette, peu importe leur faim: «C'est bien, tu as fini ton repas!» C'est ce que révèle un sondage réalisé en 2010 auprès de 325 éducatrices par une équipe de l'Université de Montréal. Plus du tiers d'entre elles finissent elles-mêmes leur repas «pour inciter l'enfant à en faire autant», selon des données obtenues par La Presse.

Même s'ils partent de bonnes intentions, ces comportements sont nocifs. «Le rôle de l'adulte est de procurer des aliments sains à l'enfant, puis de le laisser décider de la quantité qu'il va manger, dit Stéphanie Côté, de Nutrium, qui participe aujourd'hui à une conférence sur l'image de soi organisée par les Producteurs laitiers du Canada. Mais c'est très, très difficile à faire entrer dans la tête des gens.»

La relation tordue avec l'assiette et l'image corporelle commence tôt. «Dès l'âge de 4 ans, les enfants ont une aversion pour les grosses personnes, indique Annie Aimée, professeure de psychologie à l'Université du Québec en Outaouais. À 3 ans, ça ne les dérange pas. Mais à 4 ans, ils ont une préférence pour les silhouettes minces. À 5 ans, ils commencent à se préoccuper de leur corps et, à 6 ans, ils sont davantage préoccupés.»

Préoccupées par leur image

Les adultes de leur entourage les influencent très tôt. «Parler de poids à table, ce n'est pas vrai que ce n'est pas grave, que les enfants n'écoutent pas», dénonce Mme Aimée, qui donnera également une conférence aujourd'hui.

Les tout-petits prennent le repas du midi et deux collations à la garderie, cinq jours sur sept. Les éducatrices sont conscientes d'être des modèles pour eux: 70% estiment leur rôle «tout aussi important que celui des parents» dans l'éducation alimentaire des enfants.

Or, 59% des éducatrices ont indiqué être «souvent» ou «toujours» préoccupées par leur image corporelle et 33%, l'être «de temps en temps». Un peu plus de la moitié d'entre elles ont dit avoir essayé de perdre du poids dans les six derniers mois; autant se sont jugées «grassouillettes» ou «trop rondes».

Pire à l'école

À l'âge scolaire, les problèmes d'image de soi s'aggravent: 45% des enfants de 9 ans et environ 60% des adolescents de 13 et 16 ans sont insatisfaits de leur silhouette, selon une étude de 1999.

Penser que seuls les anorexiques et les obèses sont concernés est une erreur, selon Fannie Dagenais, directrice du groupe d'action sur le poids ÉquiLibre. «Ça touche des jeunes de toutes tailles, souligne-t-elle. C'est un problème de santé publique qui commande une mobilisation.»

Que faire? À la maison, manger en famille, offrir un menu sain à heures fixes et respecter l'appétit de chacun. Déguster fruits et légumes avec enthousiasme et modérer ce dernier quand on sort les biscuits.

À l'école, le mieux est de s'adresser à tous les élèves (pas seulement aux gros ou aux maigres), en séparant filles et garçons. Plutôt que de peser les jeunes, mieux vaut les informer. «Il faut dire aux filles qu'il est normal que leur taux de graisse double à l'adolescence», illustre Mme Dagenais. Et promouvoir l'acquisition de saines habitudes de vie, sans cibler la perte de poids.

«Finis ton assiette!»

- 50% des éducatrices demandent à l'enfant pourquoi il n'a pas terminé son repas.

- 34% finissent leur repas pour inciter l'enfant à faire de même.

- 49% complimentent l'enfant lorsqu'il a fini son repas («C'est bien, tu as fini ton repas!»)

- Pourtant, 100% des éducatrices savent que l'appétit des enfants peut être très variable, d'un enfant à l'autre et d'une journée à l'autre.

- 59% des éducatrices se disent «souvent» ou «toujours» préoccupées par leur image corporelle. Le tiers l'est «de temps en temps».

Source: Sondage internet réalisé en 2010 auprès de 325 éducatrices en service de garde au Québec, projet Offres de pratiques alimentaires revues dans les services de garde au Québec, de Nutrium, centre de référence en nutrition de l'Université de Montréal.